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On a tous quelque chose d’Averroès


On a tous quelque chose d’Averroès
Statue d'Averroès à Cordoue.
Statue d'Averroès à Cordoue
Statue d'Averroès à Cordoue.

Averroès a bon dos. Jacques Attali n’est pas le seul à s’en prévaloir pour vanter les mérites de l’islam, comme il l’a fait le 21 septembre, sur le plateau de Frédéric Taddéi.

Quand cet économiste assène que l’immigration est inéluctable voire souhaitable, passe encore. Michèle Tribalat, dans Les Yeux grands fermés, lui apporte la contradiction. On préfère l’ignorer quand il serait urgent de débattre. Mais quand il affirme que « cette dimension musulmane de la France […] est un atout extraordinaire qu’il faut considérer comme une force », c’est au nom même de la République, certes accueillante, mais indivisible et laïque, qu’il convient de l’interpeller.

Averroès, donc, est souvent mis à contribution pour glorifier une Andalousie où le pouvoir islamique aurait développé un âge d’or œcuménique et nourrir implicitement le mythe des « racines musulmanes de l’Europe ». Gardons à l’esprit que cet intéressant commentateur d’Aristote, bien que banni par le Calife, était un homme de son temps et qu’il faisait appliquer la charia. D’ailleurs, même l’UOIF se revendique de lui[1.Le lycée Averroès de Lille, dont le fondateur, Amar Lasfar, a déclaré qu’il  » est aussi une vitrine, un laboratoire pour l’UOIF ».]…[access capability= »lire_inedits »]

Un peu court en histoire, Jacques Attali ne l’est pas moins en sociologie, mêlant allègrement religion et origine géographique, musulman et Arabe. Or l’immigration « musulmane » fut d’abord maghrébine et arabophone mais, pour l’essentiel, non arabe, car elle était majoritairement kabyle.

En outre, décréter que l’islam est l’unique horizon possible pour les immigrés venus du continent africain satisfait certainement mollahs et oulémas, pas les réfugiés qui croyaient échapper en Europe à la menace islamiste. Pas l’Iranienne Fariba Hachtroudi, journaliste et écrivain, menacée de mort en 1985 pour son combat contre la loi islamique. Invitée sur le plateau de « Paroles du monde » (Public Sénat) le 23 septembre, tout en précisant que l’application de la charia relève d’une certaine interprétation du Coran, elle observe que les pratiques chariatiques s’exportent dans les pays occidentaux et suscitent l’inquiétude : « C’est comme si l’Occident se réveillait d’un seul coup, alors que des gens […] le disent depuis trente ans : ça va arriver à nos portes. »

Et lorsque « ça » sera arrivé à nos portes parce que Jacques Attali considère qu’il faut plus d’islam quand il faudrait plus de laïcité, d’éducation et de liberté, il ne nous restera qu’à pleurer en compagnie du journaliste koweïtien Ahmed Al-Sarref qui nous avertit: « Un jour, on regrettera l’Europe. »[/access]

Octobre 2010 · N° 28

Article extrait du Magazine Causeur



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Isabelle Kersimon est journaliste.

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