Accueil Politique Olivier Marleix (LR): «Les Français sont en train de se faire extorquer l’élection présidentielle»

Olivier Marleix (LR): «Les Français sont en train de se faire extorquer l’élection présidentielle»

Entretien avec le député Olivier Marleix


Olivier Marleix (LR): «Les Français sont en train de se faire extorquer l’élection présidentielle»
Le député Olivier Marleix D.R.

Pour le député d’Eure-et-Loir, le vote pour Valérie Pécresse est le seul permettant aux Français d’échapper à une polarisation mortifère entre le camp des progressistes et le camp des populistes. Si Emmanuel Macron était réélu dans les conditions que nous connaissons, il ne voit pas comment le pays échapperait à une crise politique majeure. Selon lui, les ralliements autour du président sortant ne sont que des manœuvres de survie d’une classe politique en danger, et Les Républicains exploseront si Eric Zemmour accède au second tour.


Causeur. Dans quelle mesure la guerre en Ukraine a-t-elle rendu inévitable la réélection d’Emmanuel Macron ?

Olivier Marleix. Ce n’est pas Macron, évidemment, qui a provoqué la guerre en Ukraine, mais le résultat est le même. Il était très bas dans les sondages, à 23 ou 24% et soudain il a pris huit points… Comme il avait refusé d’entrer en campagne auparavant, le résultat c’est qu’il n’y aura quasiment pas eu de campagne. Les Français sont en train de se faire extorquer l’élection présidentielle. S’il est réélu, sa côte de bonnes opinions montera à 50/55% et au premier problème, elle chutera. Or les problèmes ne vont pas tarder : il y a une inflation dont on sait maintenant qu’elle n’est pas passagère, les taux d’intérêt vont remonter – la FED vient de relever son taux directeur – au-delà des conséquences pour le pouvoir d’achat des Français on va avoir un énorme risque sur notre dette souveraine. Macron risque donc d’être obligé de faire le contraire de ce qu’il a fait ces six derniers mois, c’est-à-dire qu’il devra fermer tous les robinets. Les Français se diront qu’il doit désormais faire face à une crise financière et que, décidément, il n’a pas de chance…

Est-ce que les Français diront encore cela ?

Vous en trouverez toujours ! Mais si Macron est réélu dans ces circonstances, je ne vois pas comment on échappera à une crise politique majeure. A force d’escamoter le débat démocratique sur une élection aussi importante, alors qu’il y a une telle tension, une telle attente, il y aura forcément un moment où la réalité le rattrapera. Cette organisation du débat politique, fondée sur le clivage entre le « camp du progrès » représentant le bien versus le camp populiste représentant le mal, est affreusement malsaine… On ne peut pas construire le gouvernement d’un pays là-dessus.

Quand on compare la liste des gens qui ont eu un intérêt à la vente d’Alstom, qui ont touché des success fees, à la liste des donateurs ou des organisateurs de dîners de levées de fonds, dans les MacronLeaks, on se rend compte que ça matche dans un certain nombre de cas

Que se passera-t-il lors des législatives ? Emmanuel Macron sera-t-il affaibli au parlement ?

Cela dépendra beaucoup de qui est au second tour. Si on a Valérie Pécresse au second tour, ce qui n’est pas totalement exclu encore (l’histoire nous apprend à nous méfier des sondages), on peut vraiment avoir une élection législative qui sera l’occasion de rebattre les cartes. Si c’est Marine Le Pen, le scénario sera évidemment différent. Celui qui créerait le plus de désordre à droite et qui serait le plus favorable à Macron, c’est Zemmour, en réalité. Ce dernier amènerait une espèce d’explosion des Républicains.

Vous êtes dans une circonscription à la lisière de la région capitale, c’est un peu la France périphérique que Zemmour entend défendre. Est-ce que les gens vous parlent beaucoup de Zemmour dans votre coin ? Dans ses meetings, Causeur a observé plein de jeunes hommes.

Il plaît assez, notamment aux mâles blancs de plus de cinquante ans (j’en parle avec respect puisque j’en suis !) qui trouvent cela très bien et qui considèrent que lui au moins dit les choses. Il n’y a pas tant de jeunes que ça, par contre on voit un affaiblissement de Marine Le Pen. C’est assez étonnant parce que je trouve que Zemmour a réussi à la rendre sympathique. Je pense vraiment que les électorats de droite sont très partagés, un électorat n’a jamais été aussi fluctuent entre la droite et « l’extrême-droite ». Finalement, le vote Marine Le Pen est un vote antisystème, plus qu’un vote extrême-droite.

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Mais on a l’impression qu’il n’y a que Zemmour qui veut rassembler ces gens-là, qui veut faire l’union des droites. Comment votre candidate réplique-t-elle à cela ? Sa sortie sur le grand remplacement était un peu floue…

Elle refuse l’expression « grand remplacement », mais il y a des phénomènes migratoires dont il faut se rendre compte et qu’il faut combattre. La droite est constante là-dessus depuis 30 ans et à chaque fois qu’elle a été au pouvoir elle a eu des résultats : entre 2007 et 2012 par exemple, le nombre d’étrangers autorisés à séjourner en France est passé de trois millions à 2,6 millions (soit une baisse de 15%), rien à voir avec la hausse à plus de 3,3 millions du bilan de M. Macron.

Valérie Pécresse à Paris, 13 février 2022 © Jacques Witt/SIPA Numéro de reportage : 01060914_000004

On a eu l’impression pendant cette séquence du meeting du Zénith que votre candidate a voulu dire aux gens tentés par Zemmour qu’elle avait compris le problème, mais le message n’est pas très bien passé.

L’expression et l’explication qui a suivie n’ont peut-être pas été d’une grande clarté, mais l’essentiel est que sur la question des flux migratoires elle a le mérite d’être très claire depuis le début avec une projet de réforme de la Constitution pour avoir les moyens d’agir. Pécresse est une candidate qui est assez complète pour la droite : en tant que présidente de la plus grande région française, celle qui a le plus de croissance, elle comprend les aspirations de la France qui est dans la mondialisation, mais parce que, dans la région Île-de-France il y a des territoires en crise, avec une immigration hors contrôle, un radicalisme islamiste très installé et une insécurité forte, elle est en phase aussi avec cette France-là. C’est une bonne candidate pour essayer d’échapper à la polarisation entre le camp des progressistes et le camp des populistes, qui reste le vrai défi de la droite. La droite ne gagnera pas si elle n’est pas capable de sortir de cette opposition voulue par Macron.

Mais que se passera-t-il si Eric Zemmour est au second tour ?

Il perdra. La droite ne gagnera pas si elle ne fait qu’incarner les insatisfactions et les frustrations – légitimes – d’une partie de la population. Elle doit parler à tout le monde, c’est ce que faisait Sarkozy. Son discours trouvait un écho dans la France populaire et en même temps son leadership sur la scène internationale, la modernité de sa vision sur certains sujets (la réforme des universités, la réforme des marchés mondiaux de matières premières, le Grenelle de l’environnement…) parlait à d’autres. Je pense que la droite perdra si elle se réduit à une attitude populiste, comme elle se condamnerait en étant sur une ligne « mondialisation heureuse ». Si on ne cherche pas à dépasser l’affrontement populiste/progressiste voulu par Macron, on perdra.

Je fais partie de ceux qui ne supportent pas que la droite continue de se définir en disant « nous sommes un parti de gouvernement, donc nous devons être responsables ». Ça fait dix ans que nous ne sommes plus au gouvernement !

Cela ne veut pas dire que nous, les Républicains, n’ayons pas eu nos torts. Je regrette par exemple que depuis cinq ans, nous n’ayons pas su nous tourner davantage vers les mouvements exprimant cette colère populaire. Je n’ai jamais eu honte d’avoir manifesté avec les gilets jaunes dans les premiers week-ends. J’avais publié, quelques jours avant, les courbes de l’augmentation du prix de l’énergie. On allait prélever 15 milliards de plus sur le quinquennat – c’est la moitié du produit de l’impôt sur les sociétés ! – sur la France périphérique qui avait besoin de sa voiture au gasoil pour aller travailler. C’était scandaleux ! Je fais partie de ceux qui ne supportent pas que la droite continue de se définir en disant « nous sommes un parti de gouvernement, donc nous devons être responsables ». Ça fait dix ans que nous ne sommes plus au gouvernement ! Ce discours nous a conduits à un alignement derrière Macron sur certains sujets, notamment lors de la crise sanitaire. J’ai voté contre le passe sanitaire et contre le passe vaccinal. Nous avions reçu le professeur Delfraissy en commission des lois huit jours avant que Macron prenne la décision de la loi sur le passe vaccinal ; Delfraissy nous a dit en substance qu’Omicron est sans doute « plus contagieux mais beaucoup moins dangereux » et peut être la forme qu’on attendait pour être débarrassé du virus. Et huit jours après, Macron nous sort de son chapeau le passe vaccinal, qui ne sert à rien car il consiste à supprimer le test qui était le seul élément qui garantissait la non-contagiosité de quelqu’un.

Vous iriez jusqu’à penser que le gouvernement a mis en place le passe vaccinal pour pouvoir le retirer avant l’élection, comme un cadeau ?

Je pense, que c’est pire : c’était un piège pour amener Valérie Pécresse à donner le sentiment de s’aligner derrière Macron et à valider le fait que Macron prenait la bonne décision au bon moment. Or, il ne prenait pas la bonne décision au bon moment ! On s’est cru obligés de se définir « en parti de gouvernement », mais cela ne veut rien dire. Depuis 2017, les partis antisystèmes font près de 50% des voix. Il y a un énorme problème de confiance dans ce que proposent les partis de gouvernement justement. Essayons au moins de ne pas être aveugles ! Si par malheur, nous perdons l’élection présidentielle, c’est parce que nous n’aurons pas su nous adresser à ces deux morceaux de la France et à sortir de ce clivage artificiel entre progressistes et populistes. Et je pense que Zemmour ne peut pas être la solution. Chez lui, le décalage entre le verbe et la possibilité de faire est au summum. Il séduit parce qu’il parle bien, parce qu’il sait utiliser l’histoire ; cela fait du bien de temps en temps d’entendre quelqu’un qui essaie de remettre les choses en perspective dans un débat public qui est d’ordinaire trop instantané. Mais par moments il tord l’histoire, notamment quand il dit que de Gaulle et Pétain sont les deux faces d’une même pièce… Pour les gaullistes c’est insupportable !

Sur le plan économique, vous ne pouvez pas être convaincu par le candidat de « Reconquête » ?

Sur le plan économique, il s’est beaucoup inspiré de propositions que j’ai mises sur la tables,  il a repris mot pour mot une formule (« plus de liberté à l’intérieur, plus de protection vis-à-vis de l’extérieur ») pour laquelle j’aurais des droits d’auteur à réclamer ! Mais quand il dit qu’il va augmenter le pouvoir d’achat en réduisant les impôts locaux, qu’il nous dise lesquels, et qu’il écrive à tous les maires de France pour leur expliquer… Marine Le Pen a fait preuve de plus d’honnêteté en renonçant à la sortie l’euro, de l’UE, à la suppression de la double nationalité. Le RN va bientôt fusionner avec Horizons, le parti politique d’Édouard Philippe ! Zemmour, lui, reprend le discours comme si la magie du verbe allait permettre de régler tous les maux. Là encore, si Zemmour était élu, quelle désillusion pour ceux qui auraient voté pour lui !

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Le regard de Zemmour sur la Russie est un très bon exemple du décalage entre le fait d’être un commentateur, de s’enivrer parfois de sa propre parole, et la réalité des faits. Zemmour s’est piégé là-dedans, avec ce que cela a de désagréable. Je suis consterné par le parallèle entre cette fascination qu’il y avait, chez ceux qui sont le plus à droite de la droite, pour Poutine et la fascination des ligues dans l’entre-deux-guerres quand le chancelier Hitler a été élu démocratiquement. A l’époque, le discours des ligues consistait à dire : le chancelier Hitler est le seul qui peut sauver l’Occident. A l’époque, on ne stigmatisait pas les Arabes mais les Juifs. Poutine défenseur de l’Occident et de la chrétienté, c’est aussi quelque chose que l’on a beaucoup entendu. Dans ses commentaires depuis des années, on sentait que Zemmour participait à cette rhétorique : « défendre l’Occident », « il faut lutter contre le grand remplacement », « je rêve d’un Poutine pour la France ».

Est-ce que Le Pen et Zemmour se seraient compromis, en quelque sorte, en faisant ami-ami avec Poutine et est-ce que cela sera profitable à Valérie Pécresse ?

L’élection présidentielle n’est pas qu’un défouloir : on engage le pays. Il y a matière à se poser des questions. Une fois encore, ce qu’a fait Zemmour sur la Russie de Poutine, ce sont les mêmes excès sur bien d’autres sujets.

Avant de soutenir Valérie Pécresse, vous étiez le porte-parole de Michel Barnier lors du congrès des Républicains. Pourquoi ?

Oui, parce que Michel Barnier avait compris une chose essentielle, avec son parcours de commissaire européen notamment. L’enjeu essentiel qui nourrit les courants populistes, c’était un besoin de recouvrer notre souveraineté. La proposition phare qu’il avait mise sur la table, c’était de réformer notre Constitution pour faire adopter un « bouclier constitutionnel », qui interdirait aux juges (constitutionnel, administratif, judiciaire) d’appliquer les traités européens dans les secteurs de l’immigration – notamment la CEDH – tant qu’on ne les avait pas renégociés. C’était la proposition la plus puissante : recouvrer notre souveraineté en matière d’immigration et de procédure pénale. On ne peut pas faire le reproche à Barnier de ne pas être pro-européen, mais il est réaliste et veux réconcilier patriotes et européens. A l’inverse, on a le sentiment que Macron veut profiter de la crise en Ukraine pour nous emmener un peu plus dans le fédéralisme européen, c’est un réflexe pavlovien chez lui. Autant je crois aux coopérations, autant je suis hostile au fédéralisme.

A cet égard, après les annonces des Allemands qui vont complètement changer de cap, est-ce qu’ils n’ont pas doublé Macron et doublé la France, en prenant une fois encore le leadership ?

Bien sûr ! En France, on commence seulement à réaliser dans l’opinion publique à quel point les Allemands nous ont « plantés » en matière de dépendance énergétique. Avec l’abandon du nucléaire ils nous ont rendus dépendants du gaz russe. Leur spectaculaire décision de réarmement unilatérale est assez étonnante et n’est pas une anecdote au regard de l’Histoire. Cela faisait partie des discussions de l’après-guerre, on considérait que les relations de l’Allemagne avec son armée devaient être sujettes à précaution. Or, l’Allemagne a décidé unilatéralement qu’elle allait assumer le fait de devenir la première puissance militaire d’Europe, sans rien demander à la France. Macron s’est fait totalement doubler dans cette affaire. Macron sait pertinemment que notre dette nous met dans une situation de dépendance et de fragilité énormes. Il est suffisamment intelligent pour savoir ce qui nous pend au nez. Il est conscient que l’Allemagne acceptera peut-être désormais que les dépenses militaires sortent des critères de convergence des 3%. Une compensation peu glorieuse pour nous !

Concernant Alstom, pourriez-vous rappeler à nos lecteurs en quoi la vente orchestrée par Macron pourrait constituer un « pacte de corruption » ?

J’ai passé six mois comme président de la commission d’enquête à examiner les conditions dans lesquelles ont été autorisées et décidées les ventes de très grandes entreprises françaises à caractère véritablement stratégique. Alstom représentait notre totale autonomie dans le nucléaire, car la partie non-conventionnelle était faite par Areva et la partie conventionnelle (les turbines pour transformer l’énergie de la vapeur en électricité) était faite grâce à Alstom qui concevait aussi les turbines pour nos sous-marins et porte-avions. Alstom était donc une entreprise hautement stratégique. Formellement, c’est Macron qui a autorisé la vente fin 2014. L’État n’était plus actionnaire, mais il avait à donner son autorisation au titre des investissements étrangers en France.

Site Alstom à Belfort Photo : SEBASTIEN BOZON / AFP

La question est de savoir si on a vraiment été mis devant le fait accompli avec l’impossibilité d’éviter cette vente, ou si quelqu’un a donné un feu vert en amont dans le dos de Montebourg.

Or j’ai découvert qu’une commande avait été passée dans le dos du ministre de l’Économie dès octobre 2012 sur le thème « Que se passe-t-il si l’actionnaire de référence d’Alstom Power décide de vendre ses participations ? ». Commande passée par quelqu’un qui était visiblement dans le secret de l’entreprise et de sa banque d’affaires. Une commission d’enquête n’a pas le droit d’interroger le président de la République, mais tous les autres acteurs qui auraient pu commanditer cette étude et que j’ai interrogés m’ont dit que ce n’était pas eux. Pour moi, par élimination, c’est Macron, Secrétaire général adjoint de l’Elysée, qui a eu cette information en 2012 et qui a décidé de laisser faire.

M. Macron a aussi autorisé la vente d’Alcatel, qui était notre géant dans le domaine des équipements de télécommunications. 80% du trafic internet mondial passe par les câbles d’Alcatel Submarine Networks ! Il y a eu aussi le cimentier Lafarge ou Technip. Tout cela a été l’occasion d’un ruissellement sur le tout Paris. Rien qu’avec Alstom, c’est sans doute 500 millions d’honoraires versés à différents cabinets de conseil, donc vous imaginez le ruissellement sur ces quatre ventes. Alstom, c’est 12,3 milliards ; Alcatel, 15 milliards ; Technip, 8 ou 9 milliards ; et Lafarge, 19 milliards… cela a de quoi susciter l’enthousiasme à l’égard du Mozart de la finance.

Le hasard fait que quand on compare la liste des gens qui ont eu un intérêt à la vente d’Alstom, qui ont touché des success fees, à la liste des donateurs ou des organisateurs de dîners de levées de fonds, dans les MacronLeaks, on se rend compte que ça matche dans un certain nombre de cas. La question que j’ai posée au procureur de la République, c’est de regarder si ces ventes n’avaient pas été l’occasion d’organiser un système pour rendre service à certaines personnes et obtenir d’eux, en échange, un renvoi d’ascenseur. Je rappelle que le financement de la campagne de Macron a reposé essentiellement sur les dons de quelques centaines de grands donateurs.

Je ne crois pas un quart de seconde que Zemmour soit capable de faire ce que Sarkozy n’aurait pas fait

Êtes-vous optimiste quant au résultat de cette élection ?

J’espère encore que Valérie Pécresse gagnera. Sinon, cette élection ne sortira pas notre pays de la polarisation mortifère que j’ai évoquée entre le camp du Bien progressiste et le camp du Mal populiste. Si Macron gagne, son élection ne servira à rien. Quand j’ai entendu, au lendemain des régionales de 2015, alors que le FN était arrivé en tête avec 27% des voix, Jean-Pierre Raffarin dire : « Finalement, si on regarde bien, entre Valls, Macron et nous il n’y a pas tellement de différences, nous pourrions gouverner ensemble », cela m’a profondément blessé ! Quel spectacle pitoyable offre cette classe politique qui considère qu’elle a vocation à rester au pouvoir en toutes circonstances, qu’importe ce que pensent les électeurs, et qui organise en fait les conditions de sa survie… On est là pour écouter, pour comprendre, pour remettre de l’intelligence dans le débat politique, pas pour survivre par des « apparentements électoraux » comme à la fin de la IVème République !

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Or, Macron et En Marche ont incarné cette manœuvre de survie d’une classe politique en danger. Les députés LaRem sont pour un tiers des PS recyclés ! Mais comme l’alliance de Raffarin et de Hollande n’aurait sans doute pas fait suffisamment rêver… il a donc fallu trouver un nouveau produit marketing : il s’appelle Macron, on a appelé cela le « nouveau monde », mais c’est le projet de Raffarin. Je continue de trouver cela dangereux. Il faut écouter ce que disent les gens même s’ils le disent grossièrement, et y répondre, c’est ça la démocratie !

Votre crainte, c’est qu’il y ait des troubles pendant le mandat Macron s’il est réélu ?

Oui ! Emmanuel Macron est le produit de ce système et cette élection sans débat sera perçue comme une usurpation. Est-ce qu’on arrivera, nous, à sortir de cela ? Le pari de Valérie Pécresse, c’est de récréer de la confiance en agissant, par « le faire » et non par le verbe. J’ai été un collaborateur et un fervent supporter de Sarkozy, mais malheureusement, il faut reconnaître que le décalage entre les promesses de Sarkozy et les capacités d’action d’un président de la République française, dans l’UE, soumis à la CEDH…

On peut espérer, à terme, desserrer ces contraintes, d’où mon enthousiasme initial pour la lucidité et le courage de Michel Barnier. Mais imaginons un instant Zemmour président de la République, qui peut croire que Zemmour ferait mieux que Sarkozy qui avait été avant ministre de l’Intérieur et ministre de l’Économie et ne manquait pas de détermination ? Je ne crois pas un quart de seconde que Zemmour soit capable de faire ce que Sarkozy n’aurait pas fait. Je pense donc qu’il n’y a pas d’autre choix que celui de la raison, de la détermination et de la raison. En démocratie, il n’y en a pas d’autre.

Monsieur le député, vous êtes un candidat antisystème raisonnable !

Non, pas antisystème, mais conscient des défauts du système ; je pense qu’on ne peut durablement le réformer qu’en proposant aux Français des choses audacieuses mais crédibles. Ce que propose Pécresse, c’est de considérer qu’on ne recréerait durablement de la confiance dans le pays qu’en faisant réellement les choses. D’où un programme qui semble peut-être un peu sage aux yeux des Français, mais qui est crédible. En fait, je crois qu’il est audacieux, notamment quand elle propose de réduire la dépense publique ; elle est la seule à le proposer. Si elle n’est pas élue, rendez-vous dans un an ! Je pense que la démocratie ne peut pas être un affrontement entre des gourous. On a un peu le sentiment aujourd’hui d’avoir le champion de BFMTV contre le champion de CNews dans une arène. Des personnes qui ont les mêmes failles narcissiques, qui utilisent les mêmes procédés rhétoriques, qui n’ont rien à voir avec la rationalité. Platon se méfiait déjà de cette démocratie sans filtre, il faut remettre de la raison dans tout cela. On a besoin de corps intermédiaires, d’un système parlementaire qui fonctionne, pour écouter la société. Macron n’a écouté personne car il n’avait pas ces relais parlementaires et méprisait les corps intermédiaires. C’était sa conception d’une présidence jupitérienne, selon ses mots.

Sur le terrain, l’électorat s’intéresse-t-il encore à la politique ?

Non, pas assez, tout a été fait pour que les gens ne s’y intéressent pas.

Macron nous a sorti le passe vaccinal au bon moment, pour qu’entre Noël et le jour de l’An on ne parle que de cela et pas de la campagne présidentielle. Dès janvier Marianne titrait : « Comment Macron va pourrir la campagne ».

Depuis, il y a eu les évènements internationaux qui font que nous n’aurons pas de vraie campagne présidentielle. Attention au gigantesque retour de manivelle !

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Martin Pimentel est rédacteur en chef de Causeur.fr et Jeremy Stubbs est directeur adjoint de la rédaction

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