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Obama ou l’Occident triomphant


Obama ou l’Occident triomphant

Un peu partout dans le monde, les contempteurs de l’Occident se réjouissent ce matin de l’élection de Barack Obama. Altermondialistes, islamo-gauchistes, néo-guévaristes, révolutionnaires et autres non-alignés ont fiévreusement espéré cette victoire dont ils attendent un bouleversement majeur. Laissons-les à leur rêve éveillé : ils réaliseront bien assez tôt que le succès d’Obama pourrait marquer leur complète défaite idéologique.

Son élection aura en effet pour conséquence immédiate de redonner aux valeurs occidentales une force sans précédent, n’en déplaise à tous les contestataires à poncho. Voici un fils d’Africain, d’extraction modeste, qui par son talent et son travail aura d’abord terrassé la dynastie des Clinton, lors des primaires démocrates, avant de triompher du candidat du Great Old Party. Son slogan – Yes We Can ! – a pu sembler furieusement américain ? Il résumait en fait le programme de civilisation occidental : individualisme, méritocratie, démocratie. A tous ceux, et ils sont hélas très nombreux, qui reprochent aux Occidentaux de vouloir exporter des valeurs qu’ils ne respectent pas chez eux, la réponse est cinglante. Dans la grande compétition des civilisations, la charge de la preuve s’en trouvera désormais inversée : que Chavez, Hu Jintao et autres Ahmadinejad édifient donc des sociétés où chacun, femmes comprises, puisse rêver un tel destin ! Car depuis ce 4 novembre, la démonstration a été faite qu’aux Etats-Unis, censément racistes et ploutocratiques, un métis issu de la lower middle class peut devenir Président – et que nos valeurs s’appliquent réellement à tous.

Autre surprise prévisible : Obama à la Maison Blanche marquera non pas le ralentissement de l’américanisation de la planète, mais au contraire sa reprise – et probablement son accélération. L’état des lieux ne devrait pas nous tromper : c’est uniquement le leadership américain qui a été compromis par la présidence Bush, et non pas l’occidentalisation des peuples. Notre mode de vie (codes vestimentaires, alimentaires, culturels, etc.), comme nos principes (individualisme, habeas corpus, féminisme, etc.) n’ont jamais été autant désirés – leur acclimatation, en revanche, a été considérablement compliquée par le comportement de l’administration Bush. Il n’empêche : l’occidentalisation est un référendum, et un référendum quotidiennement gagné dans les esprits. Un verrou vient de sauter, qui freinait tout : l’antipathie. Le retour au multilatéralisme, la renonciation à la violence comme première option, le regret exprimé pour certains crimes (Guantanamo) ou mensonges (ADM en Irak) : autant de décisions annoncées par le nouveau président, qui contribueront à réconcilier le monde et l’Amérique. La tâche est immense, à en juger par l’impopularité des USA ? Soit. Mais l’attente aussi : si le monde vote Obama, c’est avant tout parce qu’il souhaite retrouver son leader, l’Amérique de Roosevelt et de Kennedy. De Caracas à Téhéran, il faudra s’y faire : dans le cœur des peuples, l’Amérique redevient aimable.

Au sein de nos sociétés, la victoire d’Obama devrait également porter un coup fatal au politiquement correct. Tablons, tout d’abord, sur la fin du chantage racial quand vient l’heure d’une quelconque sélection. De la Star Academy à la Maison Blanche, on nous sert depuis quelques années la même sinistre blague : si le candidat au profil le plus éloigné de l’archétype « majoritaire » (blanc, chrétien) n’est pas choisi, alors le soupçon plane aussitôt – le « minoritaire » a été écarté par racisme. Oseront-ils l’élire ?, titrait ainsi cette semaine Courrier International. Comprenez : si Obama n’avait pas gagné hier, c’est que le racisme, une fois encore, aurait prévalu. Eh bien, avec la désignation d’Obama, métis et fils d’un musulman kenyan, à la plus haute fonction mondiale, ce chantage deviendra inopérant : on choisit son chanteur préféré, son gardien de but, son DRH ou son président en fonction de ce qu’il inspire. Point barre. Voilà qui rendra l’air plus respirable. Et encouragera les bosseurs plutôt que les geignards.

Car il faudra se rendre à l’évidence et écouter enfin ce que Barack Obama ne cesse de proclamer : il n’est pas le candidat de l’affirmative action. Le jeune sénateur a été élu par la grâce de ses seuls mérites. Par la force de son seul acharnement. Et non à la faveur de quotas ou d’un quelconque favoritisme racial (il s’est du reste plu, tout au long de la campagne, à rappeler qu’il venait à peine de rembourser le crédit contracté jadis pour payer ses études). Le principe même de la discrimination « positive » devrait sérieusement en pâtir. On s’en félicitera, évidemment : d’une part, parce qu’elle discrimine certains individus en raison de leur origine (les Asiatiques et les Blancs, pour faire vite) ; d’autre part, parce qu’elle est humiliante pour les « minorités », donc chaque diplômé ou dirigeant est désormais soupçonné d’avoir bénéficié d’une promotion ethnique ; enfin, parce que, ruinant le principe méritocratique, elle dévalue et méprise l’exemple des enfants de Vietnamiens, de Kabyles ou d’Indiens, qui ont prouvé que l’on pouvait parfaitement réussir avec un nom ou un visage « exotiques ». Si un « Noir » peut accéder au pouvoir suprême en Amérique, nul n’est besoin à Londres, Paris ou Miami de défavoriser certains étudiants ou employés au motif qu’ils auraient eu la fâcheuse idée de naître avec les yeux bridés ou les cheveux blonds. La présidence Obama est assurément la pire chose qui pouvait arriver au politiquement correct et à son cortège de généreuses idées réactionnaires.

Pour finir, la victoire de Barack Obama devrait également redorer le blason de l’économie de marché – ou du libéralisme économique, ou du capitalisme, à votre guise… Une des contradictions majeures du gauchisme, tel qu’il est professé tant par les liberals qu’au NPA de Besancenot, tient en effet à la certitude que le capitalisme est un système « prêt à tout » et, dans le même temps, un système profondément raciste. Or, si le capitalisme est prêt à tout, cela signifie en bonne logique qu’il est également prêt à mettre un métis à la tête de la patrie du dollar. C’est ce qu’il vient de faire. Et pas par mégarde ! Dès les primaires, Obama a levé des fonds considérables, soutenus par des milliardaires tels Warren Buffet et Bill Gates ; une fois investi, la manne financière est devenue torrentielle, pulvérisant tous les records et reléguant loin, très loin, le candidat supposé du Capital, John McCain. La bible du business américain, le Wall Street Journal, comme celle de l’élite mondialisée, The Economist, ont apporté un soutien clair et net au démocrate, appelant les électeurs à en « faire le prochain leader du monde libre ». Telle est la réalité : indifférent à ses origines, séduits par ses capacités, le business et ses médias ont fait du métis Obama leur candidat. La boucle est ainsi bouclée : le système politique, culturel et économique occidental, que l’on disait en perdition, vient de trouver son champion. Croyez-moi, la surprise Obama ne fait que commencer.



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David Martin-Castelnau est grand reporter, auteur des "Francophobes" (Fayard, 2002).

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