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Muray, tel quel…


Philippe Muray est l’inventeur d’un art singulier de la lecture, qu’il a appliqué magistralement aux écrivains qu’il aimait comme à ceux qu’il détestait. Le présupposé principal de cet art est que toute œuvre littéraire possède toujours une unité secrète, un principe natif singulier, une dynamique interne obscure et nécessaire qui ne peut être déchiffrée et révélée qu’en faisant dialoguer entre elles toutes les différentes œuvres d’un écrivain. C’est même au cœur de ses contradictions en apparence les plus irréductibles, en rapprochant ses œuvres les plus irréconciliables et en les frottant vigoureusement l’une contre l’autre comme deux silex revêches, que Muray a su faire jaillir l’étincelle de leur mystérieuse unité esthétique – et la rendre visible à nos yeux.

Nul n’avait encore songé à appliquer cet art murayien de la lecture à l’œuvre de Muray elle-même. Avec Alexandre de Vitry, voilà pourtant qui est chose faite. Son Invention de Philippe Muray est un livre brillant, d’une excellente qualité intellectuelle et littéraire. Ce premier essai entièrement consacré à l’œuvre de Philippe Muray place la barre très haut et lance un beau défi agonistique aux murayologues du futur.

L’invention de Philippe Muray situe fidèlement celui-ci en son lieu, qui n’est pas la philosophie ni la pensée politique, mais la littérature et elle seule. En se tournant résolument vers les œuvres et en nous donnant à entendre leur concert dans son unicité, Alexandre de Vitry fait tomber une à une toutes les images hâtives, tous les Muray tout-faits qui circulent dans les sphères médiatique et intellectuelle, toutes les contrefaçons idéologiques, qu’elles soient de gauche ou de droite. Son étude révèle et rend sensible, tout au contraire, le Muray vivant, le Muray se-faisant. La dynamique implacable de l’auto-invention de Philippe Muray à travers ses œuvres, dont la profondeur et la puissance créatrice échappent autant à ses contempteurs pressés qu’à ses zélateurs psittaciques. Déjouant gaiement et dans le détail toutes les récupérations et tous les malentendus, L’invention de Philippe Muray nous permet de comprendre que si Muray a tant décrié la procréation, c’est parce qu’il était bel et bien incessamment en état de littérature, c’est-à-dire de naissance perpétuelle.

L’essai d’Alexandre de Vitry ne conserve de l’Université que le meilleur : une forte charpente, la clarté et la rigueur démonstrative – et un nombre raisonnable de vocables aux allures d’OVNI. Il s’écarte cependant comiquement des normes universitaires en adhérant sans la moindre réserve à son « objet » pour le défendre pied à pied et réfuter par exemple implacablement les historiens qui avaient osé s’en prendre au XIXe siècle à travers les âges – auquel Alexandre de Vitry consacre ses plus belles pages. Il nous invite à un voyage mouvementé entre Homo Festivus et Homo Dixneuviemis, en passant par l’intermédiaire des sept années méconnues qu’il identifie comme la « période sexuelle » de l’art de Muray.

Usant de manière fine et éclairante du concept d’hétéronomie, il nous prouve que le vrai Muray, comme Sollers et l’Eglise catholique, comme Balzac et Baudelaire – et contrairement à la vraie vie – est ailleurs.

L'invention de Philippe Muray

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