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Métiers en tension : pourquoi l’immigration ?

Le besoin de main-d'oeuvre ne justifie pas que la France accepte toujours plus de travailleurs immigrés.


Métiers en tension : pourquoi l’immigration ?
PHOTO: Mourad ALLILI/SIPA / 01089467_000003

Plein emploi et chômage: si la demande ne rencontre pas l’offre, est-il vraiment nécessaire de faire venir des travailleurs immigrés supplémentaires? Tribune.


La France est un pays formidable. Avec un taux de chômage de 7,4% de la population active selon l’INSEE, nous serions au plein-emploi voire au sur-emploi !

Une preuve ? Cette litanie d’entreprises de toutes tailles qui nous expliquent ne pas trouver de candidats pour les postes qu’elles proposent, sur une liste de métiers longue comme le bras. La DARES estime à 363 000 ces postes non-pourvus, chiffre finalement assez stable dans le temps depuis des années. D’où l’appel du patronat à régulariser des immigrés clandestins et à en laisser venir davantage.

Au fond, de quoi ce débat est-il le révélateur ? Il montre tout d’abord que le chômage n’est pas qu’un problème de croissance économique insuffisante. Il existe en effet nombre de sociétés qui ont un carnet de commandes suffisamment rempli pour recruter davantage et donc créer un surcroît de richesse.  

Cela concerne des métiers techniques, certains nécessitant une formation courte ou longue mais en tout cas pointue, d’autres requérant une formation plus légère comme les aides-soignants, camionneurs, livreurs, commis de cuisine, ouvriers du bâtiment, etc. Voilà pour l’offre d’emploi.

En face, nous avons une demande d’emploi s’élevant à 3,2 millions de chômeurs de catégorie A (c’est-à-dire qui ne travaillent pas du tout) auquel il faut ajouter environ 2,2 millions de personnes en catégorie B et C qui sont en sous-emploi (c’est-à-dire travaillant à un temps partiel imposé).

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Ne nous leurrons pas : le chômage zéro n’existe pas. Pas même dans les pays les plus performants. Toujours est-il que nous sommes à des niveaux bien supérieurs à ceux correspondant au « plein emploi » au sens économique du terrme, qui s’étagent entre les 3,5% des Pays-Bas et les 5.5% de l’Allemagne.

Nous avons donc un taux de chômage d’environ 2% supérieur à ce qu’il devrait être pour que nous puissions nous déclarer en pénurie de main-d’œuvre globale, soit environ et théoriquement 600 000 personnes que l’on devrait mettre au travail avant de devoir recourir à de la main-d’œuvre qui n’est pas présente sur notre territoire.

Dès lors, comment expliquer ce fossé entre emplois non-pourvus et main-d’œuvre en surplus numérique ? Quatre explications principales permettent de répondre à cette question.

  • Des chômeurs trop longtemps éloignés de l’emploi qui n’arrivent plus à se réintégrer le marché du travail. C’est ce que la science économique appelle l’effet « travailleur découragé » ;
  • L’inadéquation entre la formation du demandeur d’emploi et les offres d’emplois, ce que la science économique appelle le « mismatch » entre l’offre et la demande sur le marché du travail ;
  • L’absence de mobilité des demandeurs d’emploi ;
  • Un manque de motivation pour le travail dans un contexte où les minimas sociaux et la débrouille permettent des revenus souvent proches des emplois les moins bien payés. Une juxtaposition et un mélange de fracassés de la vie que la solidarité nationale doit évidemment prendre à sa charge, de « bras cassés » et de « branleurs » que la nation doit aussi assumer, encore que pour ces derniers on se demande bien pourquoi et encore combien de temps.

Cette classification autoriserait a priori à penser que, notre pays ayant une strate de citoyens quasi inemployables, il faudrait, en conséquence, accroître le flux d’immigrés qui feraient les boulots que les Français ne veulent ou ne peuvent pas faire.

Le raisonnement pourrait à peu près tenir debout si nous étions en situation de plein-emploi pour la main-d’œuvre étrangère déjà présente sur notre sol. Mais nous en sommes loin. Très loin.

Car si les citoyens de l’Union européenne résidants chez nous ont un taux de chômage à peu près équivalent à celui des Français, il est de près du triple pour les étrangers hors-UE (majoritairement nord-africains et sub-sahariens). Chiffres de la fachosphère ? Du tout. C’est l’INSEE qui le dit.

Que nous enseigne ce chiffre ? Que les immigrationnistes, parmi lesquels figurent de nombreux patrons présentant depuis des décennies l’immigration comme utile pour le marché du travail et la consommation, nous ont purement et simplement trompés et abusés. Si nous avions effectivement eu besoin de tous ces gens, comme ils le prétendent depuis tant d’années, ils seraient en emploi avec un taux de chômage « frictionnel » de 3-5% et non pas de 20% et plus !

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Mieux. Ce problème ne touche pas que les étrangers hors-UE mais également les immigrés de ces mêmes régions du monde devenus Français par naturalisation et en particulier par le droit du sol. Que nous racontent les pleureuses professionnelles de la précarité des « cités » ? Leur antienne est désormais célèbre à force d’avoir été ânonnée depuis si longtemps : « Ces pauvres jeunes n’ont pas de travail ! »

Et c’est plutôt vrai. Dans les 1 500 « Quartiers Prioritaires de la Ville », nom élégant pour décrire les territoires où le grand remplacement est très largement achevé et qui abritent 5,5 millions d’habitants, le taux d’emploi est déplorable. Non seulement les jeunes y sont 2,5 fois plus au chômage que les jeunes des territoires moins défrancisés, mais les femmes et les mères travaillent structurellement nettement moins que les femmes et mères « françaises nées françaises » ou les Européennes présentes en France. Ce dernier constat a des conséquences dramatiques, tant le travail à deux est essentiel dans les ménages enkystés dans des jobs mal rémunérés comme le sont souvent les immigrés extra-européens. Un seul SMIC, celui du père quand il vit encore dans le foyer, pour faire vivre une famille de 4, 5, 6 (et plus) personnes, c’est la précarité assurée et ce, malgré les aides sociales. Une famille monoparentale immigrée sans emploi vivant des minimas sociaux, c’est une catastrophe. Ces deux situations sont très largement répandues et ce ne sont certainement pas les travailleurs sociaux et les assos qui nous contrediront.

Pourquoi ces jeunes sont-ils autant dans la précarité officielle ? Nous précisons « officielle » parce que le trafic de drogue fait apparemment vivre, et assez bien, environ 230 000 personnes dans ces quartiers. Passons. Échec scolaire et « discriminations » : voilà les deux explications bêlées depuis des décennies.

La première, l’échec scolaire, est une réalité statistique qui d’ailleurs contribue à dégrader le niveau général moyen de notre éducation nationale. Quant aux discriminations, il s’agit d’un mélange de ressenti et de résultats d’enquêtes menées par des universitaires ouvertement de gauche.         

Finalement, le bilan économique et social (sans même évoquer le bilan sécuritaire…) de certaines immigrations est négatif. Beaucoup de chômage, une faible mobilité sociale transgénérationnelle et des besoins sociaux qui dépassent largement leur contribution économique. En effet, quand des populations cumulent faible taux d’emploi, bas salaires, familles nombreuses et délinquance exacerbée, même le plus convaincu des économistes gaucho-« progressistes » aura du mal à soutenir que les maigres cotisations payées ainsi que la faible consommation de produits nationaux, compensent la masse des prestations versées et des autres coûts supportés par la collectivité. 

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Dès lors, si nous avons véritablement besoin de main-d’œuvre étrangère, cela ne peut s’envisager qu’à court terme et uniquement pour les métiers en tension où le temps de formation et l’acquis d’expérience sont trop longs pour que l’on puisse attendre qu’ils soient occupés par une main-d’œuvre nationale. En contrepartie de cette importation ponctuelle de main-d’œuvre, il faut rapatrier dans leurs pays d’origine ces très nombreux étrangers qui sont chroniquement au chômage ou en sous-emploi et qui n’ont pas leur place dans notre société. En d’autres termes, des étrangers économiquement utiles, pourquoi pas ; mais les étrangers qui ne le sont pas, c’est « au revoir ». Avec une aide au retour car nous sommes humains.

Pourquoi une telle approche serait choquante ? C’est bien ce qui se passe dans nos entreprises, non ? Quand vous n’êtes plus utile, on vous vire même si cela constitue pour vous un drame. Combien de millions de travailleurs ont subi, depuis le début de la désindustrialisation et l’ubérisation, des plans sociaux qui les ont cassés et paupérisés au nom de la logique de marché ?

Eh bien, notre logique migratoire doit être la même. Si tu apportes quelque chose que nous n’avons pas, tu peux venir chez nous ; si tu n’apportes rien que nous n’avons déjà ou que tu n’apportes durablement plus rien, tu repars. Sauf bien sûr, si tu prends ta retraite après une vie de travail en France pour laquelle tu as cotisé.

Miette Fredericksen, Première ministre sociale-démocrate (donc a priori pas une « facho ») du Danemark, petit pays ultra démocratique, l’a très bien exprimé : « L’ouverture des frontières (migratoires) entre en contradiction flagrante avec un Etat social fort ». Nous ne pouvons plus en même temps défendre notre modèle social très coûteux et le partager avec les peuples pauvres. Michel Rocard disait que nous ne pouvions pas accueillir toute la misère du monde mais que nous devions en prendre notre juste part. Eh bien nous sommes une majorité à penser que nous l’avons déjà prise cette « juste part ». Et au-delà.



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Jean Messiha est Président de l’Institut Apollon. Frédéric Amoudru est Directeur Études et Stratégie de l’Institut Apollon.

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