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La mort d’Alban Gervaise reléguée aux pages de faits divers

Cette victime dont la presse parle si peu


La mort d’Alban Gervaise reléguée aux pages de faits divers
Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Le médecin militaire marseillais, attaqué à la gorge au couteau à une dizaine de reprises, serait-il une nouvelle victime du terrorisme islamiste? La France semble s’être habituée à ces nombreux “loups solitaires” qui tuent au nom d’Allah. Le ministre de l’Intérieur temporise et veut montrer qu’il maîtrise la situation, alors que la droite nationale en campagne pour les législatives rechigne à récupérer le drame.


Âgé d’une quarantaine d’années, Alban Gervaise était médecin militaire à l’hôpital Laveran, dans le XIIIème arrondissement marseillais. Ce radiologue était marié et père de trois enfants. Sa page Linkedin nous apprend qu’il avait aussi la Médaille d’honneur du service de santé des Armées. 

Au nom d’Allah

Le 10 mai, Alban Gervaise est allé chercher deux de ses enfants, âgés de 3 et 7 ans, à l’école catholique Sévigné, vers 18h. Devant l’école, un homme l’a attaqué, par derrière, de plusieurs coups de couteau. Alban Gervaise a été touché à la gorge. En s’abstenant des précautions de langage, on appelle cela un égorgement. Des passants sont parvenus à maîtriser l’assaillant. Lors de sa prise en charge par les secours, Alban Gervaise était en arrêt cardio-respiratoire. Hier vendredi, il est décédé. 

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L’assaillant se prénomme Mohamed. Il est Français et est âgé de 24 ans. Des témoins disent qu’il aurait crié « Allah Akbar » lors de son assaut. Une incantation qui n’aurait rien de surprenant. Connu des services de police pour des histoires de stupéfiants, Mohamed leur aurait confié avoir agi « au nom d’Allah » et tenait des propos confus le jour de l’attaque, ont relevé nos confrères d’Actu17. 

Mohamed a été mis en examen et placé en détention provisoire. Cependant, il n’a pas été hospitalisé d’office en psychiatrie. À ce jour, le motif terroriste n’a pas non plus été retenu par le Parquet de Marseille. En effet, la perquisition de son logement n’a pas permis de trouver suffisamment d’éléments permettant d’infirmer cette hypothèse. Ni fou, ni terroriste donc, Mohamed attend que « l’information judiciaire en cours [permette] de faire toute la lumière sur ce drame », selon les mots de Sébastien Lecornu, ministre des Armées. La veuve aussi, attend… 

Le peuple a peur, Darmanin surjoue l’assurance

Sur la toile, les internautes dénoncent « le silence des médias ». D’illustres inconnus, évidement, mais aussi le député LR Eric Ciotti ou la sénatrice (LR) Valérie Boyer. Le premier dénonce une « mort dans le silence médiatique », la seconde un « silence médiatique ». Une réaction salutaire mais aussi un mauvais procès : Le Figaro, Le Point, JeanMarcMorandini.com, TF1 Info mais aussi France Info.fr, pour ne citer qu’eux, en ont parlé. En revanche, il est vrai que l’attaque reste cantonnée à la rubrique « faits divers » et que le sujet semble rapidement évacué. De quoi laisser l’intuition qu’une fois de plus, ce meurtre va allonger la liste des victimes du terrorisme islamiste avant d’être oublié. En attendant le suivant, et jusqu’à quand ?

Une partie des Français a l’impression d’être sommée de s’habituer à ces agressions à répétition, et cela leur laisse un goût amer. En témoigne le ton des twitternautes lambda, qui tranche radicalement avec celui du Ministère de l’Intérieur. Quand les premiers s’indignent, sont en colère, dénoncent la mollesse supposée de la réaction des autorités, le second s’auto-félicite, constamment et sans relâche, ceci par la voix de son ministre au sourire hâbleur sur Twitter : « Merci aux passants et aux services de police pour leur réaction rapide », tweetait Gérald Darmanin le 10 mai dernier après l’attaque. 

Il y a deux mondes entre lesquels le fossé se creuse. Une partie du peuple, qui a peur – et c’est légitime – et des ministres qui veulent montrer à tout prix qu’ils maîtrisent leur sujet, quitte à surjouer la communication. Derrière le chapelet d’auto-congratulations du ministre sur Twitter, transparaît aussi un objectif clair : « faire barrage à l’extrême droite », selon la formule consacrée. Il est vrai que les législatives approchent…

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Et pendant ce temps-là… 

D’ailleurs, qu’en disent-ils, ceux-là ? Hier au soir, Marine Le Pen ne s’était toujours pas exprimée à ce sujet. Elle était en train d’applaudir des cyclistes à Hénin-Beaumont, où elle avait passé la journée. Avant d’aller tracter sur un marché dans le nord, elle a adressé un tweet ce matin « Je veux témoigner de mon soutien total à sa famille et de ma volonté absolue de mettre ces barbares définitivement hors d’état de nuire ». Quant à Eric Zemmour, il passe son week-end de l’Ascension à reconquérir les marchés des villages du Var. Hier, il était occupé à se mettre en scène sur Twitter, en chemise blanche, devant « la cohésion et la tradition d’un petit village varois ». À chacun ses priorités. 




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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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