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Marine, l’idiote utile ?


Marine, l’idiote utile ?

Tout d’abord, un point de vocabulaire, afin de justifier mon titre. Parler d’« idiot utile », ce n’est pas une façon polie de traiter quelqu’un ou quelqu’une de gogol. Le français nous offre mille manières de le faire plus joliment, et surtout, le crétinisme n’est assurément pas la marque de fabrique congénitale des Le Pen, père ou fille.

L’expression « idiot utile » (apocryphement attribuée à Lénine pour parler des « compagnons de route » occidentaux du bolchévisme) définit couramment quelqu’un qui est complice d’un forfait à son corps défendant. Ainsi, à propos d’affaires anciennes, voire archéologiques, Elisabeth Lévy me qualifiait, en 2002, dans Les maîtres censeurs, d’« idiot utile de la direction du PCF », et depuis, j’ai toujours pensé et dit que cette histoire complexe ne pouvait être mieux résumée en si peu de mots. Et n’allez pas croire que je me prenne pour un con…

À titre d’exemple, on pourra ainsi dire qu’à mon avis, les militants alter, qui exigent des papiers pour tous et tout de suite sont les idiots utiles du grand (et du petit) capital, qui sait bien lui, que nos nouveaux arrivants tireront le salaire moyen vers le bas. Idem pour les juges et les travailleurs sociaux de Nantes et de Navarre qui, dans l’affaire Laetitia, ont si bien œuvré -avant et après les faits- pour redonner un peu d’oxygène à Nicolas Sarkozy. Ces exemples ne sont pas vraiment choisis au hasard, puisqu’à terme, ils signent la responsabilité écrasante de la gauche sociétale dans la mise en orbite de Marine Le Pen. Mais tel n’est pas l’objet de ce papier; ça, d’autres vous l’expliqueront mieux et plus précisément que moi…

Quant à Marine, si elle semble jouer les idiotes utiles, c’est bien évidement de l’échéance 2012 qu’il s’agit, et de la façon dont certains au PS et à l’UMP, se sont emparés du sondage de Louis Harris pour exiger qu’au nom de la patrie en danger et du vote utile réunis, on ne voie plus qu’une seule tête dans leurs camps respectifs.

À peine le sondage du Parisien était-il tombé que les porte-flingues de droite et de gauche braquaient le P38 sur la tempe du lecteur/électeur

Si celui-ci est plutôt UMP, c’est bien sûr au Fig qu’échoit la mission de lui faire la morale : comme nous l’y explique Paul-Henri de Limbert : « La question d’une candidature unique à droite est évidemment posée. Certaines personnalités de la majorité devraient se convaincre que ne pas se présenter, ce n’est pas forcément déchoir. Les candidatures de témoignage sont faites pour les époques tranquilles, pas pour les temps périlleux. »

Mais les candidatures non-officielles, pardon « de témoignage», ça devrait aussi être réglementé à gauche, plussoie aussitôt Paul Quinio dans son édito symétrique de Libé du même lundi : « La gauche ne pourra pas se contenter d’accuser le chef de l’Etat et la majorité de jouer avec le feu Le Pen. (…) Une fois la compétition lancée, si la gauche radicale devait renvoyer Sarkozy et le candidat socialiste dos à dos, elle apporterait alors de l’eau au moulin frontiste. Une multiplication des candidatures à gauche, au-delà du raisonnable, affaiblirait aussi ses chances de victoire. »

Marine, complice de l’ « UMPS » ?

Borloo, Villepin, Morin Mélenchon Besancenot et Eva Joly? Tous lepénistes de fait donc, et bientôt de droit, qui sait ? On fait confiance à Dominique Sopo, Romain Goupil ou Yann Moix pour nous expliquer que toute candidature hors PS et UMP fait le jeu du nazisme et doit donc être mise hors-la-loi. J’exagère ? Attendez un peu… Bref on nous rejoue ce que Muray appela génialement durant l’entre-deux-tours de 2002 la « quinzaine anti-Le Pen », sauf que là, on va en prendre pour quinze mois !

Ce qui se profile donc à l’horizon, gros comme un camion de pompiers, c’est l’institutionnalisation du bipartisme la plus radicale qu’on puisse imaginer, puisqu’elle ne prendrait pas racine dans les textes, mais dans les têtes. Et c’est là qu’on pourrait, à première vue, parler de Marine comme d’une idiote utile, dans la mesure où elle tire les marrons du feu au seul bénéfice de ce qu’elle appelle l’ «UMPS».

Sauf que non. Chez ces deux supposés frères ennemis, l’affaire Louis Harris n’affaiblit pas uniformément tous les prétendants : elle renforce de fait les positions respectives de Sarkozy et de DSK. Il faut être bouché à l’émeri post-trotskyste pour affirmer comme l’a fait Jean-Michel Helvig dans la République des Pyrénées que le président est le grand perdant de ce sondage (Qu’ont fait les malheureux Palois pour mériter ce cataplasme ?). Et ce n’est pas pour rien que 60 députés PS viennent de presser Martine Aubry d’officialiser sa candidature, comme s’il n’était pas déjà trop tard pour sortir du bois.

Sans chercher aucun complot, ni aucun pacte secret, on voit à qui profite la dramaturgie de ces trois derniers jours : consubstantiellement aux deux poids lourds précités ET à Marine Le Pen. Plus elle progresse, plus Sarko et DSK renforcent leur mainmise sur la droite et la gauche. Et plus le débat entre « républicains » sera confisqué par ces deux-là au détriment des autres prétendants puis des autres candidats, plus Marine Le Pen sera à même de capitaliser presque tous les mécontentements, y compris dans les bataillons d’abstentionnistes des milieux populaires.

En résumé, et en tout cynisme partagé :
– Sarkozy a vraiment besoin d’une Marine forte pour balayer la concurrence à droite au premier tour
– DSK, lui, est moins menacé pour atteindre le second tour, mais il a besoin de MLP pour régler auparavant la question des primaires.
– Marine a besoin que le débat droite/gauche ne soit qu’un débat Sarko/DSK pour espérer atteindre 25% dès le premier tour et 10 points de plus au second. Cette communauté d’intérêts entre nos trois larrons étant désormais scellée, m’est avis qu’on en prend le chemin

Sarkozy, DSK, MLP : à l’arrivée, au soir du premier tour, il y aura un perdant et un gagnant, mais il n’y aura pas de perdante.



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