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« Mariage pour tous »: cinq ans, l’heure du bilan

La loi Taubira cachait sa volonté d’effacer une différence sexuelle inscrite dans les corps


« Mariage pour tous »: cinq ans, l’heure du bilan
Christiane Taubira, 2015. Sipa. Numéro de reportage : 00733309_000019.

Adoptée en 2013, la loi Taubira dite du « mariage pour tous » cachait une volonté d’effacer une différence sexuelle inscrite dans les corps. Et cela ne date pas d’hier. Une tribune de Michel Pinton.


Cinq ans après la tumultueuse promulgation de la loi Taubira, il semble que le mariage entre personnes du même sexe ne soit plus un thème du débat politique. Les protestations publiques se sont éteintes. Les manifestations géantes des opposants ne sont plus qu’un souvenir. La cérémonie d’union de deux hommes ou de deux femmes ne soulève de difficulté dans aucune mairie. L’abrogation de la loi n’est plus au programme d’aucun grand parti. L’opinion populaire se satisfait de la situation nouvelle : aucun sondage, aucune enquête, ne montrent un désir significatif de revenir en arrière.

La Manif pour tous, une réaction salutaire

La victoire apparente des promoteurs de la loi Taubira se manifeste aussi dans l’échec des actions menées par les jeunes, ardents mais naïfs, qui ont essayé d’entraîner les partis de la droite dans des projets d’abrogation ou d’atténuation du texte. Marginalisés, parfois repoussés, ils n’ont de choix qu’entre un isolement amer et un reniement discret. La politique leur a fait sentir ses règles de dur réalisme et ils y ont perdu leurs illusions.

Est-ce à dire que le combat a été inutile ? Je crois qu’il a été au contraire une  réaction indispensable et salutaire mais qu’il s’est égaré dans des opérations exclusivement politiques et, qui plus est, de politique partisane.

Mon lecteur me pardonnera, j’espère, de me citer moi-même : j’ai écrit, il y a quatre ans, un article dans lequel j’expliquais les raisons pour lesquelles aucun parti n’oserait abroger la loi Taubira, y compris ceux qui s’y déclaraient opposés. Je continuais en affirmant que, pour lutter contre le mariage homosexuel, l’action purement politique conduirait à une impasse, au moins dans les circonstances actuelles. Les évènements des cinq dernières années ont confirmé mes avertissements.

La loi Taubira est la fille du Pacs

Aucun don de voyance ne m’a été nécessaire pour faire ces prédictions. J’ai simplement usé de ma faculté de raisonnement.

D’abord j’ai essayé de placer le mariage homosexuel dans une perspective historique de plusieurs décennies. La loi Taubira est la fille du Pacs, voté vingt ans plus tôt; le Pacs eut été inconcevable s’il n’avait pas été préparé indirectement par la loi Veil (1974). Cette succession de textes qui se sont engendrés les uns les autres n’est pas finie. Elle ne demande qu’à se continuer : la loi Taubira ouvre la voie à la PMA, qui donnera à son tour naissance à la GPA, pour aboutir un peu plus tard au remplacement légal de la filiation biologique par une filiation dite volontaire. Mon article d’il y a quatre ans annonçait que la PMA, rejetée avec horreur par la quasi-totalité des responsables politiques en 2012, deviendrait bientôt un projet examiné d’un œil bienveillant par nos cercles dirigeants. Nous y sommes.

Le néocatharisme contemporains

Ensuite j’ai tenté de remonter à l’origine de cette cascade d’ « émancipations » qui, repoussées par l’opinion publique quand elles sont présentées pour la première fois, finissent par s’imposer comme des évidences. Elles m’ont paru être les conséquences sociales, progressives mais inévitables, non pas d’une volonté politique, mais d’un courant religieux nouveau, né en 1968 dans le sillage de la pilule contraceptive, et dont le dogme fondamental est la soumission du corps aux volontés de l’esprit, le second étant révéré comme absolument souverain et le premier étant ramené au rang de simple instrument de l’esprit. J’ai appelé « néocatharisme » cette religion qui imprègne une partie de nos contemporains parce qu’elle rejoint le vieux dualisme des cathares de jadis. Je terminais mon exposé en soulignant qu’on ne combat pas une religion par une action politique mais en lui opposant les vérités d’une autre religion, dans notre cas une foi qui rende au corps humain sa dignité propre, distincte de celle de l’esprit.

Le néocatharisme doit être combattu parce que, loin d’être bénéfique ou simplement  inoffensif, il est « dyssocial ». C’est à son influence que l’on doit la progression foudroyante des divorces depuis un tiers de siècle (près d’un mariage sur deux aujourd’hui), une instabilité croissante des couples dont le succès du Pacs est un symptôme (sa fréquence a presque rattrapé celle du mariage en 2017), les millions de mères abandonnées, obligées d’élever leurs enfants avec des ressources de misère, une fécondité française chancelante (1,88 enfant par femme l’an dernier), des avortements si nombreux (ils atteignent un quart du chiffre des naissances) qu’ils en viennent à ébranler la persistance de notre peuple, le mal-être et l’aliénation d’une part grandissante de la jeunesse, sans compter les maux encore peu visibles que suscite le principe d’incertitude sexuelle. Le bien de la nation exige que tous les citoyens de bonne volonté s’unissent pour mettre un terme aux méfaits sociaux du néocatharisme.

Une loi pour quelques-uns

La lutte contre cette nouvelle religion n’est pas facile parce qu’elle avance masquée. Elle se présente comme un simple humanisme. Elle se fait écouter des responsables politiques en leur parlant d’élargissements des droits du citoyen. La loi Veil a autorisé l’avortement au motif d’aider des femmes « en extrême détresse » et non pas pour sa véritable raison : le corps féminin est une propriété privée et chacune en fait ce qu’elle veut. De même, la loi Taubira affirme ne rien viser d’autre que « le mariage pour tous », hétéros et homos à égalité. Elle cache soigneusement sa volonté d’effacer une différence sexuelle inscrite dans les corps. On commence à nous expliquer que « la PMA pour toutes » serait une mesure de justice et de compassion pour les femmes sans maris au lieu d’avouer qu’elle vise uniquement à satisfaire un désir arbitraire de l’esprit. La lutte contre le néocatharisme doit commencer en lui arrachant son masque : montrer qu’il est de nature religieuse et non politique ; qu’il défend des dogmes et non des droits de l’homme ; qu’il cherche des privilèges identitaires et non l’égalité citoyenne.

Ensuite il ne faut pas craindre de s’opposer fermement à ses demandes. La nouvelle religion a moins de puissance que ses victoires passées le laissent croire. Elle trouve ses fidèles et ses sympathisants dans des minorités actives et bien introduites dans les cercles du pouvoir politique et médiatique mais elle ne reçoit aucune adhésion populaire. Le mariage homosexuel, par exemple, est essentiellement une conquête qui satisfait certains milieux très urbains (10% des mariages à Paris sont entre personnes du même sexe). Il  reste marginal, voire inconnu, dans nos provinces et les banlieues (entre 1% et 3% des unions). Les gouvernants qui ont le plus cédé aux demandes du néocatharisme, Giscard avec le droit à l’avortement, Jospin et son Pacs, Hollande et le « mariage pour tous », se sont lourdement trompés sur le bénéfice électoral de leurs mesures. Les deux premiers ont été, à leur stupéfaction, battus aux élections présidentielles. Le troisième n’a même pas osé se présenter aux suffrages des Français. En dépit de ce que des sondages superficiels prétendent prouver, la masse de notre peuple est peu convaincue du service que les lois dites sociétales rendent au bien commun de notre pays. Elle peut aisément basculer de l’attentisme résigné à l’opposition résolue.

Loin d’une laïcité loyale

Enfin, il me paraît important de bien distinguer les différents aspects de la lutte. Sur le plan religieux, il appartient aux autres croyances organisées de tenir tête à la croyance nouvelle. L’Eglise catholique, qui proclame la dignité intrinsèque du corps humain, est, dans notre pays, la première appelée à se dresser contre le néocatharisme. Sur le plan politique, tous les citoyens soucieux de l’avenir national, peuvent et doivent s’unir pour exiger de nos gouvernants que la nouvelle religion soit traitée comme les autres en lui appliquant les règles dune laïcité impartiale. Ici et là, le travail a commencé. L’appui accordé par la ministre Vallaud-Belkacem aux thèses néocathares dans les établissements scolaires, a suscité des protestations qui dépassaient largement les milieux catholiques. Elles ont forcé les fidèles de la nouvelle religion à reculer. Mais nous sommes loin encore d’une laïcité loyale en ce qui les concerne. Ils ont réussi à s’assurer la protection unilatérale et l’appui financier de l’Etat dans nombre de leurs activités de prosélytisme. Est-il juste, par exemple, que l’argent public soutienne largement l’association « Planning familial », dont un des buts proclamés est la promotion du droit à l’avortement, parfois même jusqu’au terme de la grossesse, alors que « l’alliance Vita » qui cherche à éviter ces mêmes avortements, doit s’en remettre à des dons privés pour se développer ? Rompre les liens entre la religion néocathare et les pouvoirs publics sera une tâche longue et multiforme. La mener au nom de la laïcité est la meilleure garantie de son succès.

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Fondateur de l'UDF, polytechnicien Michel Pinton a été la cheville ouvrière de la mobilisation anti-Pacs. À paraître : "L'Identitarisme contre le bien commun : autopsie d'une société sans objet," (Fyp Editions, 2018).

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