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Le Conseil national de la Refondation, une nouvelle tentative de contournement démocratique?


Le Conseil national de la Refondation, une nouvelle tentative de contournement démocratique?
Emmanuel Macron, Kiev, juin 2022 © Ludovic Marin/AP/SIPA

Lancé le 8 septembre par Emmanuel Macron pour associer acteurs politiques, économiques, sociaux et associatifs aux futures grandes réformes, le CNR est largement boudé. Analyse.


Le 19 août, après la cérémonie du 78ème anniversaire de la libération de Bormes-les-Mimosas, dans le Var, le président de la République déclarait à des journalistes que le Conseil national de la Refondation (CNR), annoncé au début de l’été, verrait le jour le 8 septembre.

Dans une semaine, ce « CNR version Macron » se rassemblera donc pour la première fois, à Marcoussis, dans l’Essonne.

À la date précitée, le chef de l’État avait précisé que ce Conseil, devant rassembler acteurs politiques, économiques, sociaux et associatifs, aurait notamment pour objectif un « dialogue » sur les services publics. En clair, Emmanuel Macron a décidé d’entamer son nouveau quinquennat dans la continuité du précédent : diriger la France avec des Conseils destinés à contourner le Parlement.

Des Conseils qui visent surtout à pallier… les erreurs politiques passées

Les exemples de ce particularisme macronien s’enchaînent. Ce 2 septembre, un autre comité, le Conseil de défense, a fait son grand retour. Il est bien connu des Français depuis la crise sanitaire. Cette fois-ci, il était consacré à l’énergie. Espérons au moins qu’il sera l’occasion, pour Emmanuel Macron et les ministres présents, de constater les méfaits notoires de leur politique énergétique depuis 2017. À coups de tergiversations et de concessions, ils portent une responsabilité certaine dans notre incapacité actuelle à faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine.

Qui peut encore croire à cette politique de la discussion, après le Grand Débat et la Convention citoyenne sur le climat qui n’ont mené à rien de concret?

Le Conseil de défense avait suscité beaucoup de critiques, légitimes du point de vue de son opacité et du fait que le Parlement ait été mis de côté, lui qui est pourtant censé voter, contrôler et évaluer l’action du gouvernement. Mais l’exécutif lance désormais un Conseil national de la Refondation, qui provoque déjà beaucoup de remous. Bis repetita. La coïncidence du Conseil de défense avec ce « nouveau » CNR est grotesque, car on comprend qu’Olivier Véran, ministre délégué au Renouveau démocratique, épaulera François Bayrou, nommé secrétaire général du CNR, dans le projet. On prend les mêmes qui ont fauté, déçu et on recommence. Moralisation de la vie politique et renouveau démocratique, avait-on pourtant dit… En 2017, Emmanuel Macron voulait la Révolution ; en 2022, il veut la Refondation. En 2027, on constatera que l’on n’aura rien eu de tout ça, si ce n’est de la communication. La formation de ce CNR l’illustre déjà.

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Olivier Véran avait affirmé en juillet que le but précis de ce Conseil national de la Refondation serait de « (…) partager les diagnostics à l’échelle de la nation sur des grands enjeux, notamment les enjeux prioritaires pour le président de la République et pour Élisabeth Borne la Première ministre, le chantier de la santé, le chantier de l’éducation, le chantier de la perte d’autonomie », sans même évoquer l’énergie comme un de ces grands enjeux d’ailleurs, alors que l’explosion de son coût a durement affecté le pouvoir d’achat des Français depuis le début de l’année. Comprenez que l’objet sera donc de « partager ». Le choix sémantique est si révélateur : on crée un Conseil pour créer un Conseil.

Confusion des rôles

Les responsables des partis politiques et ceux des groupes parlementaires sont conviés, aux côtés des représentants d’associations d’élus des territoires, des représentants des corps intermédiaires et des syndicats en partenariat avec le Conseil économique, social et environnemental (CESE), à participer à ce CNR. Pas de chance, les oppositions politiques ont déjà manifesté, et de manière massive, leur intention de le boycotter, tout du moins lors de la première réunion. Le président du Sénat Gérard Larcher (LR) a écrit une lettre à Emmanuel Macron où il rappelle pertinemment que « vouloir réunir dans une même instance des parlementaires, seuls constitutionnellement habilités à voter la loi et contrôler l’exécutif, et des représentants de la société civile (…) ne peut aboutir qu’à une confusion des rôles ». Le président du groupe des sénateurs LR Bruno Retailleau a parfaitement résumé la situation : « C’est une mauvaise idée. Ça fait partie des bidules macroniens pour contourner et affaiblir le Parlement ».

Sur proposition du gouvernement précédent, une réforme du CESE – d’ailleurs initiée par le président de la République – avait été votée pour faire de cette assemblée « le carrefour des consultations publiques ». Or l’on décide de créer un Conseil national de la Refondation… Qui peut encore croire à cette politique de la discussion, après le Grand Débat et la Convention citoyenne sur le climat qui n’ont mené à rien de concret ? Édouard Philippe lui-même, pourtant membre de la « maison commune » – en tous cas a priori -, a dit qu’il n’irait pas. Un de ses proches a confié à Franceinfo qu’il ne croyait pas à cet énième Conseil.

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Le vrai CNR, le Conseil national de la Résistance, lancé à partir de 1943, initié et présidé par le Général de Gaulle, avait su rassembler toutes les tendances politiques pour préparer un plan immédiat d’actions face à l’ennemi, ainsi qu’une liste de réformes économiques et sociales salutaires pour le pays. Il était indispensable au vu des circonstances de l’époque. Le faux CNR, le Conseil national de la Refondation, parvient à fédérer toutes les oppositions politiques, cette fois dans le refus d’y participer ! Il s’agit là d’un vrai et juste signal envoyé à l’exécutif, un rappel à l’ordre. Ce CNR bis est inapproprié dans les temps actuels. Pourquoi créer un tel Conseil alors qu’un parlement, élu démocratiquement et par essence à disposition de la société civile pour échanger, existe déjà ? Nous sommes en 2022, plus en 1943.

Il importe d’arrêter de contourner le peuple et le mandat de ses représentants par ce genre d’initiative et, par ailleurs, de renouer avec la pratique gaullienne du référendum qui permettrait de soumettre aux Français des questions déterminantes pour l’avenir de la France. Ces questions pourraient concerner lesdits sujets et enjeux prioritaires sur lesquels le Conseil national de la Refondation aura pour mission de se pencher. La récente récupération politicienne du boycott des oppositions politiques par le parti présidentiel est un piège. Faire croire aux Français que les oppositions ne voudraient pas s’impliquer dans le débat démocratique en ne participant pas à ce CNR, c’est faux. Elles sont en réalité prêtes à débattre dans les enceintes déjà faites pour cela : l’Assemblée et le Sénat ! Les forces politiques l’attendent. Les Français l’espèrent.

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Collaborateur parlementaire stagiaire, Responsable départemental adjoint des Jeunes Républicains de la Manche, Etudiant à Sciences Po Rennes

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