Bruno Le Maire, avec une originalité confondante, reprend l’antienne libérale de la réduction des déficits et fait passer une méthode d’oppression politique pour une nécessité économique. Il est loin d’être le premier.
Ne jamais écouter la radio le matin pour éviter de commencer la semaine d’une humeur de chien et oublier, comme disait un chanteur de ma jeunesse, de déjeuner en paix.
La matinale de France Culture, qui est mon dernier refuge (n’ayant jamais supporté les zumoristes macronistes de gauche de France Inter et le mélange info/rigolade qui n’est jamais que du Hanouna pour bac+4…), recevait lundi 24 avril deux économistes qui sont des caricatures d’orthodoxie libérale. On se croirait revenu en 1985. Ce sont toujours les mêmes bêtises dangereuses, les mêmes analogies foireuses entre un pays et une famille: « On peut pas dépenser plus que ce qu’on gagne, nia nia nia. »
La mystique de la dette, et de son remboursement, la soumission aux marchés financiers qui ont toujours fait n’importe quoi et de la manière la plus irrationnelle qui soit (c’est quand même une idéologie qui se présente comme science mais qui utilise un langage de magie noire, avec des « harmonies spontanées » et « des mains invisibles »), cette mystique donc, c’est ce qui explique la tiers-mondisation des services publics, ces Français qui commencent à sauter des repas pour cause d’inflation, les horaires du TER devenus purement indicatifs, les agonies aux urgences…
A lire aussi, Stéphane Germain: Retraites, argent magique: l’impossible sevrage
Mais ce matin, sur France-Culture, les deux types qui déroulaient tranquillement leur catéchisme sénile ont osé dire, dans un pays en pleine crise sociale, que le relèvement de l’âge de la retraite était un bon moyen de réduire la dette (et le chômage des seniors, pauvres pommes ?) Ils se sont même payé le luxe, ces têtes de mort, « de craindre l’arrivée d’un gouvernement “populiste” », dont ils sont en réalité les plus évidents fourriers… Le moment le plus drôle a quand même été celui où l’un des deux invités a confié également avoir peur d’un mouvement de gilets jaunes en Europe du nord et que tout cela n’aboutisse à des sorties de l’UE. Ou comment prouver malgré soi que la peur de la dette n’est pas une peur économique mais politique…
On conseillera donc un livre comme antidote à ce grand moment d’abrutissement et de propagande néolibérale: Gouverner par la dette de Maurizio Lazzarato (Éditions Amsterdam), lequel explique parfaitement que cette mystique de la dette n’a aucune rationalité économique mais est le moyen capitaliste pour faire régner l’ordre plus sûrement qu’avec des flics ou des chars, comme les Grecs ont pu en faire l’expérience en 2015…