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L’arbitrage, c’est un métier


L’arbitrage, c’est un métier

Depuis plus de trente ans que je regarde des matches de football au stade ou sur le petit écran, j’ai souvent sacrifié à la tradition consistant à critiquer l’arbitre et, parfois même, à lâcher à son intention quelques mots d’oiseaux de toutes les couleurs. Il m’arrive de plus en plus, cependant, d’observer avec davantage de distance les débats… et la production de l’« homme en noir ».[access capability= »lire_inedits »]

Des arbitres[1. A propos d’arbitres, c’est l’occasion pour moi de recommander la lecture d’un ouvrage collectif auquel participe le camarade Jérôme Leroy. Les Hommes en noir (Les contrebandiers Editeurs) est un recueil de 17 nouvelles rédigées par 17 auteurs différents, consacrés à l’arbitre de football], il y en a au moins deux catégories. Il y a ceux dont le regard hautain trahit le mépris pour les joueurs − lesquels, d’ailleurs, ne sont pas en reste. Mais il y a ceux qui font œuvre de psychologie, qui savent s’effacer devant le jeu et que, finalement, on ne remarque presque pas dans le match. Les arbitres de cette catégorie ne font pas moins d’erreurs − inhérentes au football comme à tout sport −, mais le spectateur et même le joueur leur pardonnent ou, mieux encore, ne les perçoivent même plus tant il est évident que le jeu est roi et que tout le reste en devient accessoire.

Soral/Autain, ça vaut OM/PSG d’il y a vingt ans

Lorsqu’on regarde « Ce soir (ou jamais) », on a exactement la même impression. Un débat, c’est comme un match de football. Enfin, dans cette émission-là, pas dans celles où les protagonistes feignent d’avoir des désaccords alors qu’ils pensent essentiellement la même chose sur tous les sujets. Frédéric Taddéi ne choisit pas la facilité en invitant des personnalités fortes. Inviter Alain Soral et Clémentine Autain sur le même plateau, cela vaut bien un PSG-OM d’il y a vingt ans. Sur le papier, il y a tout pour que cela castagne. En fait, pas du tout. L’arbitre arrive à maîtriser les débats avec un mélange de bienveillance, d’attention, de fermeté et de justice ; et laisse les protagonistes s’exprimer sans les interrompre par des coups de sifflets incessants. Il y a quelques mois, j’ai même vu Jean-Luc Mélenchon s’y comporter de manière fort courtoise. Même les joueurs les plus caractériels donnent le meilleur d’eux-mêmes lorsqu’ils sont totalement convaincus de la probité de l’arbitrage.

Une émission quotidienne de débat fort bien animée, avec des avis divergents, sur le service public de télévision, il y en a une. Et depuis quelques jours, la rumeur enfle : il est question de la rendre hebdomadaire, ou carrément de la supprimer[2. Frédéric Taddéi affirme cependant : « Je n’ai rien contre le fait de réfléchir à une hebdo. »]. Pour la remplacer par qui et par quoi ? Marc-Olivier Fogiel : le retour du concert de coups de sifflet. Il ne faut pas que le débat s’endorme et les téléspectateurs avec, n’est-ce pas ?
Parce que Messieurs Pfimlin et Sled ont regardé les courbes d’audience. Et ne les trouvent pas à la hauteur. Bizarre ! Comme tous les Français, j’ai entendu le président de la République annoncer, lorsqu’il a décidé de la disparition de la publicité après 20 heures, que le service public de télé serait ainsi délivré de la dictature de l’audimat. Pfimlin, nommé en conseil des ministres, et Sled, que l’on dit très proche du « Château », auraient-ils oublié cette lettre de mission ? La faible audience − discutable, puisqu’elle ne comptabilise pas les nombreux visionnages sur Internet, conséquence de la tardive diffusion de l’émission − est-elle la véritable raison de la mise sur la sellette de « Ce soir (ou jamais) » ? Ne serait-ce pas plutôt le fait qu’elle échappe au débat droite-gauche plan-plan et qu’elle aborde le plus souvent les problématiques réelles mettant à jour les clivages décisifs ?[3. Étrange coïncidence : à la rentrée de janvier, le « 18-20 » d’Europe 1 a subi − sous prétexte, là aussi, d’audience médiocre − un lifting semblable. Le premier débat entre Olivier Duhamel, Claude Askolovitch, Natacha Polony et David Abiker a été supprimé par le nouveau directeur Olivennes. Seul subsiste aujourd’hui le bon vieux face-à-face libéral vs social-démocrate entre Olivier Duhamel et Catherine Nay ou Philippe Manière]

J’en appelle donc à Messieurs Pfimlin, Sled et même au président de la République. « Ce soir (ou jamais) » doit continuer. Et j’encourage chaque téléspectateur fidèle de cette émission à écrire à ces trois décideurs. Il faut sauver la meilleure émission de débat de France. Il faut sauver le soldat Taddéi ![/access]

Février 2011 · N°32

Article extrait du Magazine Causeur



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