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François Hollande ne veut plus réformer l’Etat


Malgré la référence au « rêve français » qui clôt, dans une ultime envolée lyrique, le discours du Bourget – « Le rêve, c’est la confiance dans l’avenir, la démocratie qui sera plus forte que les marchés, que l’argent, que les croyances, que les religions »-, l’observateur ne manquera pas de noter l’extraordinaire faiblesse des propositions institutionnelles du candidat Hollande – comme si les problèmes étaient désormais ailleurs.

Sur une heure 23 de discours, quatre minutes à peine sont consacrées à la réforme de l’État pour évoquer des transformations tantôt dérisoires, tantôt imprécises, tantôt manifestement inutiles. Dérisoires : on songe à la réduction de 30% des rémunérations du Président et des membres du gouvernement, ou à la reconnaissance du rôle des partenaires sociaux dans la constitution. Imprécises : non-cumul des mandats, mise en place du droit de vote des étrangers, introduction d’une dose de représentation proportionnelle : mais comment, et pour quelles élections ? Inutiles : le candidat Hollande a commencé son discours en rappelant son attachement à la laïcité. « J’inscrirai la loi de 1905, celle qui sépare les Églises de l’État dans la Constitution » : une promesse qui est parfaitement superflue dès lors que le principe de laïcité se trouve déjà inscrit dans la constitution, et plus précisément, pour lui donner toute la solennité nécessaire, dans l’article premier de celle-ci. En somme, inscrire la loi de 1905 dans la constitution ne servirait à rien – sinon à faire plaisir à ceux que le think tank Terra nova désigne comme les électeurs privilégiés de la gauche. Et peut-être, si l’on en croit le Professeur Didier Maus, à « entraîner une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme » pour violation de la liberté religieuse.

Cette faiblesse contraste singulièrement avec l’audace des propositions institutionnelles que l’on trouvait dans le programme du candidat Jospin en 2002, ou dans celui de Ségolène Royal en 2007, cette dernière ayant chargé Jean-Pierre Bel, qui n’était pas encore président du Sénat, de préparer une véritable remise à plat des institutions de la Ve république. Et elle paraît d’autant plus étonnante qu’en cas de victoire à l’élection présidentielle, laquelle serait à coup sûr suivie d’une victoire aux législatives de juin, la gauche disposerait, pour la toute première fois depuis le début de la Ve république, des moyens de mener à bien les réformes constitutionnelles majeures qu’elle a toujours appelée de ses vœux. Des réformes qui supposent que l’on bénéficie à la fois de l’appui du Sénat, et de l’Assemblée nationale, ce qui jusqu’ici ne s’était jamais vu, et qui avait par exemple empêché François Mitterrand de procéder à des révisions significatives au cours de ses deux septennats.

La question est alors de savoir pourquoi François Hollande a tenu, sur ce plan qui constitue généralement un morceau de bravoure des candidats socialistes, à choisir une posture aussi modeste et aussi floue. On pourrait imaginer deux réponses, l’une et l’autre assez éclairantes pour la suite des événements.

Première hypothèse, François Hollande ne va pas plus loin parce qu’il estime que l’essentiel a déjà été fait : autrement dit, que la grande révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui se proposait de moderniser la Ve république et d’équilibrer les institutions, a rempli son but, conformément aux intentions du président Sarkozy. Désormais, la Ve république ne serait plus la monarchie républicaine traditionnellement vilipendée par la gauche, mais un régime parlementaire suffisamment équilibré pour que l’on n’ait plus à proposer que d’infimes toilettages pour arriver à une solution parfaitement satisfaisante. Et la gauche aurait donc eu tort, en juillet 2008, de voter comme un seul homme – à la seule exception de Jack Lang – contre une révision aussi salutaire. Précisons-le d’emblée : l’hypothèse est peu vraisemblable, la révision de 2008, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, n’ayant en réalité rien changé aux (dés)équilibres fondamentaux de la Ve république.

Seconde hypothèse : François Hollande affecte de négliger ces questions, non parce qu’elles sont négligeables, mais parce qu’il n’a aucunement l’intention de réduire, si peu que ce soit, la primauté présidentielle, qu’il semble d’ailleurs juger indispensable à l’efficacité des réformes de fond qu’il prétend initier. A ce propos, le discours du Bourget comporte d’ailleurs un certain nombre d’indices tout à fait significatifs : sans même parler du martèlement très gaullien des « Je veux ! », on appréciera, par exemple, l’envolée du candidat Hollande sur la justice :  » Les Français doivent savoir que s’ils m’élisent, avant tout effort, toute décision, toute loi, tout décret, je me poserai une seule question : est-ce que ce que l’on propose est juste ? Si ce n’est pas juste, je l’écarte. «  En clair, la volonté présidentielle est derrière chacun des actes de l’État. C’est lui, le monarque républicain, qui décide de tout, y compris de la loi, présentée moins un acte du parlement que comme un choix présidentiel. Si c’est juste j’accepte, sinon, j’écarte. Sur le plan institutionnel, voilà ce qui s’appelle revendiquer, sans devoir d’inventaire, l’héritage de François Mitterrand…



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est né en 1964. Il est professeur de droit public à l’université Paris Descartes, où il enseigne le droit constitutionnel et s’intéresse tout particulièrement à l’histoire des idées et des mentalités. Après avoir travaillé sur l’utopie et l’idée de progrès (L’invention du progrès, CNRS éditions, 2010), il a publié une Histoire de la politesse (2006), une Histoire du snobisme (2008) et plus récemment, Une histoire des best-sellers (élu par la rédaction du magazine Lire Meilleur livre d’histoire littéraire de l’année 2011).

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