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Ecole: que Michel Lussault soit rassuré, les pédagos sont toujours là…


Ecole: que Michel Lussault soit rassuré, les pédagos sont toujours là…
Manifestation nationale des lycées de l'éducation prioritaire, à Paris, janvier 2017. SIPA. 00789394_000049

Jeune prof en formation, Jennifer Cagole – chaperonnée par Jean-Paul Brighelli – nous fait vivre de l’intérieur ses débuts au sein d’une Education nationale encore marquée par l’héritage de Michel Lussault et Najat Vallaud-Belkacem.


La grammaire, c’est mal : d’ailleurs, les programmes l’ont soigneusement étalée sur les quatre ans de collège. Désormais, c’est en Cinquième qu’on est censé repérer les verbes de la phrase (qu’est-ce qu’ils ont fichu exactement en Primaire ?). Et en Quatrième on se « propose de commencer par l’étude d’un élément essentiel de la phrase : le verbe ». Sic! Afin de « comprendre la cohérence textuelle et l’énonciation »Re-sic ! Je mets les liens sinon personne ne me croira. Reprendre sans cesse la même chose — c’est ça sans doute, la « progression spiralaire » dont se gargarisent les programmes Najat — toujours valides en cette rentrée 2017. Personnellement, quand je tourne « en spirale » autour d’un rond-point, c’est que je suis perdue, — et que je vais m’écraser bientôt.

Faire de la grammaire pour elle-même — la « grammaire de phrase », opposée à la « grammaire de texte » qui a la faveur des pédagos et des crétins diplômés — c’est l’horreur.

Et en Sixième, me demanderez-vous ? Eh bien mon tuteur m’a recommandé de commencer par l’étude… du verbe. « Toujours lui ! Lui partout ! » comme disait Hugo. Au commencement était le verbe, et à l’arrivée aussi. Pour le groupe nominal, on verra plus tard. Donc, dans la phrase « le chien a mordu l’inspecteur », ce qui compte, c’est « a mordu »… T’as rien compris, Jenny ! D’abord, « Mordre » est un verbe du troisième groupe, c’est pour plus tard, beaucoup plus tard. Et le passé composé suppose que l’on maîtrise « avoir » ou « être » selon les cas. Mais ils ne sont pas supposés maîtriser les auxiliaires, en Sixième.

Être et avoir

Seul le verbe importe, parce que si vous changez de verbe, vous changez la phrase. Ah bon. « Le petit garçon est méchant » / « Le petit garçon est une fille ». Toujours le même verbe, donc toujours le même sens, si l’on part du principe surréaliste qu’ils savent tous que « est » est le verbe être. Et que « il a » ne s’écrit pas « il la », ni « ilà », ni « il l’a », ni « i la » — variante « y la ». Toutes trouvailles de mon premier paquet de copies.
Ben voilà, t’as tout compris Jenni ! Quel jet d’ail que tu t’es pas pris !

Pourtant… Je me souviens d’avoir vu — je devais avoir dix ans — un excellent documentaire intitulé justement Etre et avoir où un instituteur émérite, Georges Lopez (JPB, qui lit sur mon épaule, me souffle qu’il a participé à un débat avec lui, et que c’est vraiment un enseignant remarquable) apprend les fondamentaux de la grammaire et de la langue à sa classe unique, de la Maternelle au CM2, quelque part dans le Massif Central.

Mais ça, c’était avant : le film remonte à 2002, a été couvert de prix et de distinctions, mais désormais, c’est le Mal. Dans les Bouches-du-Rhône, « être et avoir », c’est plus tard. Beaucoup plus tard. Aux calendes phocéennes. Surtout au passé simple, ce temps bourgeois. Pourquoi pas à l’imparfait du subjonctif, alors, ce mode lepéniste ?
Que pour moitié au moins mes élèves sachent conjuguer correctement les auxiliaires (parce qu’enfin, il y a encore des instits qui font leur boulot), ce n’est pas le problème, ce n’est pas le programme. C’est ce que pense mon tuteur, qui tient absolument à être dans les clous de l’IPR de secteur, qui fait des siennes depuis des années — même que certains profs s’en sont émus.

Une école, déséducation nationale

En 2013 déjà, un stagiaire notait, au sortir d’une réunion pédagogique : « La chargée de mission du rectorat (elle a pris du galon, depuis quatre ans, en reconnaissance de ses compétences) s’est empressée de nous expliquer qu’il ne s’agissait en aucun cas de la leçon de grammaire telle qu’elle se faisait en des temps anciens. Non, c’est une leçon qui repose sur l’observation et la manipulation. En effet, avec « Et si on était des grammairiens » — la dénomination officielle de cette fabuleuse méthode —, les élèves sont acteurs de leur apprentissage. Ils nomment eux mêmes les différents composants de la phrase. L’exemple nous a été donné pour la reconnaissance des verbes conjugués, les mots subordonnants avaient été nommés par les élèves: « machin », « truc », « bidule »… Cette dénomination commune étant adoptée, il est nécessaire pour le professeur de conserver la même dénomination jusqu’à la fin de l’année. De plus, avec cette méthode, dans la mesure où les élèves manipulent la langue, il n’est pas nécessaire qu’ils apprennent par cœur : « cela ne sert à rien et d’ailleurs cela n’a jamais fonctionné ». » Ben voyons.

Et c’est de cette pédagogue au-dessus de tout soupçon, comme disait jadis Elio Petri à propos d’un flic criminel, que dépend, in fine, ma titularisation…

Ma foi, depuis 2013 (vous vous souvenez ? Le ministre, c’était Peillon et l’école était en pleine « refondation »), rien n’a changé. À quoi ça sert que Blanquer, il se décarcasse ?
J’ai bien tenté de faire cours selon les bonnes intentions du ministre. Que n’avais-je pas fait ! Mon tuteur est venu assister à une « séance » (« cours », c’est ringard, ça pue la blouse grise), et il s’est fendu d’une longue diatribe de deux pages, écrite dans un français approximatif (j’ai utilisé le mot « symbolise » « sans m’assurer que les élèves en maîtrise — sic — le sens ») et pleine d’agressions gratuites (il me reproche par exemple de ne pas avoir lu le texte étudié moi-même, ce que j’avais fait dans la première heure de cours, mais évidemment, il n’avait pas le temps de venir deux heures, donc il a pensé qu’en son absence, il ne s’était rien passé) et d’erreurs manifestes : ainsi, il n’a pas vu que j’avais écrit au tableau ce qu’il me reproche de ne pas avoir écrit. Par exemple un…

Lisez la suite de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli



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