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Non, l’affaire Darmanin ne dépénalise pas le viol

Le féminisme n'est pas au-dessus des lois


Non, l’affaire Darmanin ne dépénalise pas le viol
Gérald Darmanin à l'Elysée, août 2018. SIPA. AP22242222_000009

Au moment de la promulgation de la loi qui porte son nom, ce fut la fête de Marlène Schiappa. Il y avait dans ce texte quelques solides imbécillités comme la contravention d’outrages sexistes, mais ce ne sont pas ces points qui lui ont valu quelques soucis. Elle a en effet été accusée d’avoir légalisé la pédophilie (rien que ça !) en France, au prétexte que la loi nouvelle respectait le principe de la charge de la preuve en matière pénale. Mais Marlène dit tellement de bêtises, est tellement pénible, et comme l’été était si beau, si chaud, le vin rosé et la baignade si tentants que je me suis dit : « Qu’elle se débrouille ! » Je ne pense pas qu’elle ait pu être affectée par ma désertion.

« Le défaut de consentement ne suffit pas à caractériser le viol »

Malheureusement, c’est la rentrée, et les excitées et autres ignorants se sont trouvé un nouveau sujet de clameur. Avec « l’affaire Darmanin » la justice aurait instauré une jurisprudence dépénalisant le viol. Je ne supporte pas plus Gérald Darmanin que Marlène Schiappa, mais sans le défendre, on va simplement rappeler les principes de la justice pénale que tout le monde devrait considérer comme précieux.

Ce qui a déclenché ce nouveau scandale et les hurlements des féministes victimaires extrémistes, c’est l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction chargé de l’information judiciaire à la suite de la plainte de l’accusatrice du ministre du Budget. Ce qui provoquait leur rage c’était la motivation que rapportait la presse de la décision ainsi libellée : « Le défaut de consentement ne suffit pas à caractériser le viol. Encore faut-il que le mis en cause ait eu conscience d’imposer un acte sexuel par violence, menace, contrainte ou surprise ». Mon Dieu, quelle horreur ! Encore un juge machiste amis des violeurs qui se préoccupe de l’intention coupable, alors que chacun sait que les hommes sont tous des violeurs par nature, nous disait la cohorte néoféministe. Et les autres, que cette motivation constitue une autorisation de violer. Le problème, c’est que, dans cette affaire, la motivation ne pouvait pas être autre, en tout cas elle ne devait pas l’être.

Et Dieu créa Caroline de Haas

Petit rappel de cette histoire tordue. Au début des années 2000, Madame X, escort girl professionnelle, ce qui en bon français veut dire prostituée, s’était livrée à l’encontre d’une de ses proies à du harcèlement, du chantage et des menaces de mort. Traduite en correctionnelle en 2004, elle y fut condamnée, ce qui n’est pas rien, à 10 mois de prison avec sursis, deux lourdes amendes, et 15 000 € de dommages-intérêts à sa victime. En 2009, soit cinq ans plus tard, elle aurait adhéré à l’UMP, et se serait rapprochée de la direction de ce parti pour tenter d’obtenir un appui pour « faire effacer » sa condamnation.

Cette présentation est pour le moins curieuse dans la mesure où la décision étant définitive, toute demande de relevé ou de non-inscription au casier judiciaire était de la seule compétence de la juridiction ayant rendu la décision de condamnation. Il est fort peu probable que Madame X ne l’ait pas su. C’est dans ces circonstances qu’elle aurait fait la connaissance d’un jeune permanent de l’UMP, Gérald Darmanin. Concernant la suite, leur versions divergent mais s’accordent sur les éléments suivants : après avoir fait connaissance, ils se sont rendus un soir dans un club échangiste. Tous deux savaient ce qu’on y faisait. Puis, dans une chambre d’hôtel, Madame X serait descendue pour une course à la pharmacie pour revenir ensuite dans la chambre où une relation sexuelle aurait été consommée.

Huit ans plus tard (!), au printemps 2017, Madame X, prise de rage à l’annonce de l’entrée de Gérald Darmanin au gouvernement, décida qu’elle avait été victime d’un viol et déposa plainte. Elle refusa pourtant à plusieurs reprises de se rendre aux convocations de la police judiciaire ce qui entraîna évidemment le classement sans suite. Son actuel mari prit alors contact avec l’activiste féministe, Caroline de Haas, dont l’inimitié pour Gérald Darmanin est bien connue. Ravie de l’aubaine, celle-ci lui expliqua que l’on pouvait aussi, d’après le Code pénal, violer « par surprise », et lui conseilla cette stratégie en l’aiguillant vers une avocate de ses connaissances. Nouvelle plainte, nouvelle enquête préliminaire et nouveau classement sans suite. Et Gérald Darmanin de rester au gouvernement malgré les demandes pressantes de démission de la part de féministes bruyantes, ce qui est habituel, et de Laurent Wauquiez, ce qui est lamentable. On n’assouvit pas ses rancunes par juge interposé.

Le juge a fait son travail

Nouvelle plainte, mais cette fois-ci avec constitution de partie civile qui aboutit automatiquement à la désignation d’un juge d’instruction. Celui-ci, régulièrement saisi, a rempli son office et rendu la très prévisible décision de non-lieu au vu des éléments du dossier et des déclarations de l’avocate de la plaignante qui explique dans sa plainte l’épisode de la chambre d’hôtel : « Elle tente alors de ‘repousser le moment fatidique au maximum’, hélas, constatant que l’acte était toujours ‘au programme’, (…) malgré tous ces détours, elle avait dû finir par s’y plier ».

Alors soyons clair, cette description est bien celle d’une acceptation ; et un acte sexuel, s’il est consenti, n’est pas un viol, même s’il n’est pas désiré. Observons également que la référence au métier qu’avait pratiqué Madame X n’est pas là pour dire qu’on a le droit de violer une prostituée, mais simplement d’imaginer que l’on avait affaire à quelqu’un qui, sur ces questions, n’avait a priori pas froid aux yeux.

Le juge était en présence de deux versions contradictoires, parole contre parole, sans témoin. Gérald Darmanin invoquant le consentement et la plaignante le contestant, quoique de façon très alambiquée. Que devait-il faire alors ? Simplement remplir son office, qui consiste d’abord à apprécier les faits qui lui sont soumis et à en établir la réalité ; cela s’appelle « l’élément matériel ». En l’occurrence, il y a eu un acte sexuel. Il faut ensuite les qualifier juridiquement en identifiant l’article du Code pénal applicable ; c’est « l’élément légal », le texte de l’article 222–23 du Code pénal qui réprime le viol. Et enfin établir « l’élément moral », c’est-à-dire l’intention de commettre l’infraction. Parce qu’en droit français, il n’y a pas de crime ou délit sans intention de le commettre. Cela veut dire que, si tant est que la plaignante ne fut pas consentante, il faut établir que Gérald Darmanin le savait.

Tout ceci est élémentaire et relève de la première année de droit.

Le féminisme n’a pas tous les droits

Beaucoup me disent que le juge aurait dû dire dans son ordonnance que Madame X était consentante. Mais comment l’aurait-il pu ? Elle prétend le contraire, et il n’était pas dans la chambre. On me répond alors qu’il aurait pu déduire l’existence de ce consentement de son attitude préalable. Mais pour quoi faire ? Il n’est pas là pour trancher entre ces deux paroles contradictoires, mais pour établir une éventuelle culpabilité. Sa démarche juridique doit être de vérifier si l’élément moral de l’infraction, c’est-à-dire l’acte sexuel forcé en l’absence de consentement, est présent, autrement dit que Gérald Darmanin savait que Madame X n’était pas consentante. Le juge d’instruction a fort normalement conclu que cette preuve ne pouvait être rapportée, et il l’a fait au regard des éléments de son dossier en considérant que, même si Madame X n’avait pas été consentante au moment de l’acte, Gérald Darmanin ne pouvait pas le savoir. Et que l’on ne vienne pas me dire que cette approche pourrait concerner les autres hypothèses de viol, c’est-à-dire par violence, contrainte ou menace. Quand on est violent, que l’on contraint, que l’on menace pour obtenir quelque chose, on sait très bien ce que l’on fait.

Chacun, dans son for intérieur, peut tout à fait penser, avec quelques raisons, que la plaignante se fout du monde. C’était peut-être même le cas de ce juge d’instruction, mais il a passé outre et rempli sa mission en faisant du droit et en respectant les principes qui doivent impérativement conduire le procès pénal.

Alors il est assez lamentable d’hurler qu’à cause de ces juges dévoyés il existe en France un permis de violer. Ou de dire, comme l’avocate de Madame X : « Cette manière d’appréhender le dossier est choquante en 2018, alors qu’on est soi-disant dans un mouvement de protection des femmes victimes ».

Eh bien non, le nécessaire combat contre le viol et les violences faites aux femmes ne doit pas passer par la violation et la mise à bas de nos principes fondamentaux. Il ne faut en aucun cas céder à ce qui n’est rien d’autre qu’un chantage.



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