Accueil Médias «Dans le journalisme, on ne doit s’interdire aucun sujet» : entretien avec Régis Le Sommier

«Dans le journalisme, on ne doit s’interdire aucun sujet» : entretien avec Régis Le Sommier

Parler avec la victime ne suffit pas, il faut aussi parler au bourreau.


«Dans le journalisme, on ne doit s’interdire aucun sujet» : entretien avec Régis Le Sommier
Régis Le Sommier DR

Le grand reporter Régis Le Sommier, lance le média Omerta le 16 novembre. Sus au pudeurs de gazelles, l’ancien directeur adjoint de Paris-Match compte bien fracturer les chapelles idéologiques. Au menu, reportages nationaux et internationaux. Pieds dans la boue ou avec les wokes, l’essentiel est d’aller sur le terrain… Entretien.


Causeur. Cher Régis, le quotidien Libération vous a déjà consacré deux articles cette année. Vous voilà au faîte de votre gloire…

Régis Le Sommier. Libération a fait un premier article sur moi, calomnieux et en grande partie faux, mais qui ne concernait que moi. Là, le second article salit le travail de toute l’équipe d’Omerta, qui comprend trente personnes. Libération s’arroge le droit de dire qu’à priori, le média Omerta est d’extrême droite et pro-Russe alors qu’aucun des travaux de ces trente personnes n’est encore visible. Moi qui ai passé du temps dans des pays où les médias sont sous cloche, j’y vois les mêmes méthodes que dans ces pays où les médias accablent, désignent, admonestent quelqu’un pour essayer de l’éliminer socialement. La philosophie est la même. Ce sont des méthodes qui rappellent celles des trotskystes des années 1970 et qui sont utilisées dans les pays dictatoriaux pour éliminer les opposants. Ça me choque beaucoup plus que le portrait peu flatteur qu’ils ont fait de moi et c’est pour ça qu’avec Omerta, nous envisageons un recours en justice.

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En acceptant de répondre à Causeur une nouvelle fois, ne craignez-vous pas que Libération vous consacre un nouvel article avant Noël ?

Vous auriez été un média proche de Jean-Luc Mélenchon, j’aurais répondu oui aussi. Je parle à tout le monde, je n’ai pas de parti pris idéologique, j’ai des sensibilités politiques qui n’interviennent jamais dans mon travail journalistique. Mon leitmotiv, c’est de toujours aller sur place, de montrer des choses, de parler au maximum aux protagonistes d’une histoire, d’un conflit ou d’une tendance de société. Dans l’affaire des bassines à Sainte-Soline, j’aimerais savoir pourquoi les blacks blocs arrachent des tuyaux, par exemple. D’une façon générale, j’estime que l’un des principes de base du journalisme, c’est de parler aux deux camps. Parler avec la victime ne suffit pas, il faut aussi parler au bourreau pour comprendre pourquoi il a agi ainsi, pourquoi Poutine a bombardé l’Ukraine, par exemple. Dans une école de Kherson, j’ai pu interroger une institutrice russe qui me montrait des manuels d’histoire tout neufs. Je lui ai demandé comment était traitée la grande famine d’Holodomor, car elle n’y apparaissait pas. Elle a été troublée, j’ai très vite compris que l’on n’enseigne plus cette tragédie fondatrice de l’Ukraine aujourd’hui, mais qu’elle est noyée dans l’histoire russe. Cela, je n’aurais pas pu le constater sans être allé du côté russe.

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Le traitement de la guerre russo-ukrainienne vous semble-t-il partial en France ?

Non, ce n’est pas ce que j’ai dit. Il y a eu de très bons reportages faits du côté ukrainien. Moi-même j’ai fait un reportage côté ukrainien en avril, où j’ai accompagné des enrôlés français volontaires. Mais le problème du traitement médiatique de cette guerre, c’est qu’elle est bornée par deux individus. D’un côté vous avez Xavier Moreau, ancien officier très pro-russe, qui nous dit tous les jours, quand la Russie recule, que les Russes peuvent nous faire un nouveau Stalingrad et gagner. De l’autre côté, Bernard-Henri Lévy, symétriquement illusoire, qui lui nous répète tout ce que lui dit le chef de l’état-major de l’armée ukrainienne. Entre ces deux extrêmes, il y a moyen de faire un journalisme de qualité, de raconter ce qui se passe et ce que les gens ressentent. Cela va au-delà de l’Ukraine et de la Russie. Pour Omerta, j’essaye de retourner en Afghanistan par exemple. On a aussi prévu des sujets sur les radicalités en France, sur l’extrême gauche, sur l’extrême droite, le wokisme, l’agriculture ou les pêcheurs, bref, sur tout ce qui agite la société.

Régis Le Sommier, Omerta, DR.

Quelle est la politique éditoriale d’Omerta ?

Que ce soit sur les sujets nationaux ou internationaux, la promesse éditoriale est : on y est allé. On aura aussi une chaîne YouTube avec probablement deux grands entretiens par mois, que je mènerai avec une personnalité autour d’un sujet d’actualité. Mais la finalité première d‘Omerta sera du documentaire et de l’investigation. Sur ce dernier point, on va aussi mouiller la chemise, ça clachera et j’en ai l’habitude. Je sais que quand on soulève un lièvre, il faut s’attendre à un déferlement de mortiers autour de soi. Je n’en ai pas peur et j’ai toujours envie de faire ça. Si je peux, à travers un de ces documentaires, apporter quelque chose à la compréhension de notre société ou de ce qui se passe dans le monde, j’en serai ravi.

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Pourquoi avoir choisi ce nom ?

Il faut le prendre comme une petite pique à certains médias qui s’interdisent des choses. Le leitmotiv de ma vie de journaliste, c’est qu’on ne doit s’interdire aucun sujet. Actuellement, on sent qu’il y a un retour des interdits avec une dimension quasi-religieuse : il y a à la fois une démonisation de l’adversaire et des sujets que l’on ne peut plus traiter. De plus, certains médias  s’auto-investissent comme juges de moralité depuis des années, en particulier vis à vis de leurs confrères. Cet esprit-là n’intéresse pas les gens, ça leur fait perdre de nombreux lecteurs depuis des années. Le sacerdoce du journalisme, c’est aller au maximum contre ces interdits idéologiques et de ne s’interdire aucun endroit où aller. Après, il y a des propriétaires, oui, qui ont parfois des intérêts qui vont à l’encontre de ce que le journaliste leur propose.

Justement, qui est le patron d’Omerta ?

Il s’appelle Charles d’Anjou. C’est quelqu’un qui a travaillé une bonne partie de sa vie en Asie, en Russie et en Ukraine. Il a aussi travaillé à vérifier si des entreprises ne finançaient pas des projets locaux avec de l’argent sale, en Libye notamment, et a donc une éthique irréprochable. Lors de l’invasion russe en Ukraine, il a travaillé pour TF1 pendant quelques mois, notamment avec Liseron Boudoul, le grand reporter de TF1. Il intervient aussi régulièrement sur LCI.

Il n’y a donc pas d’œillères idéologiques aptes à bloquer certains sujets chez Omerta ?

Absolument pas, nous comptons bien aller au-delà de ça. La seule limite, c’est de ne pas mettre la vie des acteurs d’un reportage ou d’un journaliste en danger. C’est un principe édicté par Daniel Filipacchi.

Et la tentation de faire du non-politiquement correct pour vendre ?

Pas du tout. La rédaction d’Omerta est très diverse. Il y a des gens qui ont des sensibilités de droite et des gens qui ont des sensibilités de gauche. Notre rédaction est d’ailleurs beaucoup plus éclectique que certaines rédactions qui nous critiquent, et qui en termes de recrutement, feraient bien de s’ouvrir à la diversité.

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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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