Accueil Culture L’abandon des chiffres romains par le Musée Carnavalet révèle le trouble dans la civilisation

L’abandon des chiffres romains par le Musée Carnavalet révèle le trouble dans la civilisation

Le regard libre d'Elisabeth Lévy


L’abandon des chiffres romains par le Musée Carnavalet révèle le trouble dans la civilisation
Pascal Légitimus. Image: capture d'écran YouTube

Plusieurs grands musées ont choisi de renoncer aux chiffres romains. Elisabeth Lévy réagit à la polémique et se souvient d’un sketch visionnaire des Inconnus, il y a 30 ans…


Souvenez-vous du sketch des Inconnus en 1989:

En 32 ans, la farce est devenue la réalité! Le Louvre avait déjà renoncé aux chiffres romains pour désigner les siècles dans ses cartels et panneaux explicatifs. Le Figaro dit que le musée Carnavalet, consacré à l’histoire de Paris des origines de la ville à nos jours, les a aussi éliminés pour les rois. Louis-croix-V-bâton… 

De moins en moins de gens savent lire les chiffres romains. Une responsable de Carnavalet affirme: « Nous ne sommes pas contre les chiffres romains… » Ouf! « … mais ils peuvent être un obstacle à la compréhension. »

Sachant qu’une écrasante majorité des jeunes visiteurs ignore aussi ce qu’est une annonciation ou une descente au tombeau, on n’a qu’à carrément dégager les tableaux!

Nous nous adaptons au déclin, au lieu de le combattre

On me rétorquera qu’on est incapable d’écrire 3412 en chiffres romains. Peut-être. Mais pour l’essentiel, dans les musées, en ce qui concerne les siècles et les rois, il s’agit des nombres compris entre I et XXV. Et si dans un musée je n’identifie pas un nombre, je vais chercher et trouver.

A lire aussi, Alain Bentolila: L’écriture inclusive entre ignorance et hypocrisie

Cette histoire n’est pas qu’anecdotique. Elle est triplement allégorique. Elle illustre cruellement notre actuelle déconnexion avec la culture classique. Elle prouve ensuite la baisse générale du niveau, niée durant des années par des sociologues-effaçologues, et aujourd’hui démontrée par toutes les enquêtes (et le sens commun). Ainsi, selon le classement PISA la France est au 20e rang de l’OCDE en compréhension de l’écrit. À peine la moyenne ! Et enfin, cet épisode dit que nous nous adaptons au déclin, au lieu de le combattre. Si les visiteurs ne comprennent pas la langue, simplifions-là! Ne les traumatisons pas avec des auteurs difficiles! Ne stigmatisons pas les moins doués et les derniers arrivés! Dans la même veine, on se souvient que le passé simple avait été supprimé de certaines traductions du Club des Cinq.

Le déclin est-il inexorable?

Non. Tout le monde connaît la solution. Il faut refonder l’école autour des savoirs et des grandes œuvres, et rationner strictement les écrans. Une raison d’espérer: la décision de Carnavalet a suscité un tollé, et pas seulement en France. Les Français aiment leur langue et ses bizarreries. Les Italiens sont révoltés par cette désappropriation culturelle, cette coupure de nos racines gréco-latines.

Une jeune Russe vivant à Paris m’a raconté que sa mère, à Moscou, lui avait parlé de l’affaire des chiffres romains.

De Gaulle disait: « la France offre au monde une langue par excellence adaptée au caractère universel de la pensée ». Si nous Français oublions de la chérir, au-delà de nos frontières, heureusement beaucoup le font.

Cette chronique a initialement été diffusée sur Sud Radio.

Retrouvez Elisabeth Lévy tous les matins à 8h15 dans la matinale



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Gad Saad: porter Darwin sur les épaules
Article suivant La macronie ne parvient pas à enrayer la progression de Le Pen

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération