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La France, championne du monde de la casse

Quand la République se décidera-t-elle à se défendre ?


La France, championne du monde de la casse
Des policiers font face à des casseurs à Lyon au soir de la victoire de l'équipe de France en Coupe du Monde, 15 juillet 2018. ©MATHIS BOUSSUGE / CROWDSPARK

Même un mouvement de joie collective, comme la victoire des Bleus en Coupe du Monde, est le prétexte à des « débordements » de casse et de violence. Quand la République se décidera-t-elle à se défendre ?


Les pilleurs du Drugstore Publicis, les casseurs qui, en de nombreux points du pays, ont profité de la magnifique liesse populaire pour tout saccager sur leur passage, ne s’en sont pas seulement pris à des biens matériels. Ils ont volé la victoire.

Volé la victoire aux Français qui, unis quelques heures auparavant, se prenaient dans les bras les uns des autres, chantaient, dansaient, célébraient ensemble une résilience légère mais profonde sous le simple prétexte sportif, après toutes ces années de plomb manifestement pas finies.

Si ce soir, j’ai envie de casser la joie…

Ils ont aussi volé la victoire aux Bleus, à cette si belle équipe que, dans le fond, ils détestent comme ils détestent la France et ses valeurs. Parce que cette équipe leur tient un discours qu’ils ne veulent pas entendre. Cette équipe de jeunes gens d’origines diverses leur dit d’aimer la France, d’aimer aussi la République, d’aimer ses couleurs, d’aimer son drapeau. Cette équipe leur dit que ce n’est pas en cassant et en volant qu’on devient un homme, un vrai, mais en se levant tous les matins pour suivre des heures et des heures d’entraînement avec une discipline de fer, ce qui vaut pareillement dans le monde du travail et qui postule toujours le risque assumé de l’échec. Cette équipe leur parle de fierté patriotique, de travail, de rigueur. Autant dire que c’est odieux, pour eux. Elle leur parle aussi d’autorité, en la personne de Didier Deschamps qui a écarté avec justesse de son collectif les esprits frondeurs et les sales gosses gâtés pour lesquels toutes ces valeurs fondamentales n’étaient pas grand-chose, n’en déplaise à l’humoriste douteux Yassine Bellatar dont on continue de s’interroger sur le sens de sa présence dans l’entourage présidentiel.

En s’abattant une nouvelle fois comme la vérole sur le bas clergé, ces individus qui constituent une lèpre désintégratrice de notre société, pour reprendre la métaphore autorisée, bizarrement pas dénoncée comme telle, et qui ont eu au moins le mérite de montrer leur vrai visage, ont tenté, et en partie réussi, de dérober un trophée que leur paresse et leur mentalité destructrice ne leur permettraient pas d’obtenir autrement. Mais comment la République se défend-elle, au juste ?

La République gouverne mal… et elle se défend mal

Car ces faits soulèvent de nombreuses questions, lancinantes et restées jusqu’à présent sans réponse, mais qui pourraient bien devenir désormais incontournables pour tous les candidats se présentant devant n’importe quel type de suffrages. Question des mesures réellement coercitives mises en place pour mettre ces individus hors d’état de nuire, tout d’abord. Un pays quel qu’il soit peut-il accepter d’être meurtri, dépecé, séparé, rongé par certains éléments qui ne semblent vouloir osciller qu’entre l’abêtissement consumériste global et une radicalisation obscurantiste qui se nourrit de cet abêtissement ? Est-il simplement concevable, d’un point de vue citoyen,  que le député et président de l’Assemblée nationale François de Rugy ait été chassé quelques jours plus tôt d’un  « quartier » par des «  jeunes » (l’euphémisation du vocabulaire ne s’est jamais aussi bien portée) ? Est-ce à dire que la représentation nationale incarnant la République (supposée « une et indivisible ») n’y a plus sa place ? Cet affront fait au peuple à travers sa représentation peut-il durer sans que la République elle-même ne s’avoue vaincue ? Quels véritables moyens nouveaux de sécurité peuvent-ils être déployés pour recouvrer ces territoires perdus ? Territoires sur lesquels règnent de pathétiques caïds en coupe réglée, avec sans doute des forces plus coercitives que celles dont disposent actuellement les fonctionnaires de police constamment harassés, agressés, tout comme le sont aussi les pompiers, les agents du secteur médical, les enseignants, les acteurs culturels qui, bien que cherchant toutes sortes d’excuses sociologisantes à ces ouailles incontrôlables, se retrouvent gros-jean comme devant avec leurs équipements brûlés ou saccagés en guise de remerciements ?

Il est probable désormais, et particulièrement après les scènes de dimanche soir, que l’ambiguïté de l’action et du discours publics sur cette question de l’insécurité ne pourra plus guère perdurer, à un moment extrême de dilution du tissu social. On imagine mal dans pareil contexte quelle pourrait être la place du « en même temps », ce qui n’exclut pourtant pas des solutions médianes, raisonnées et lucides, en l’occurrence fondées sur le respect simple des principes républicains – impossibles sans la sécurité qui les garantit tous -, lesquels devraient, normalement, structurer aussi le fameux « vivre-ensemble » qui se traduit désormais surtout par « subir et se soumettre ensemble ».

La plus belle avenue du Bronx

Le temps des excuses et de la victimisation est révolu car devenu inaudible puisque la victime c’est le peuple français qui se fait voler même sa joie généreuse, reconnaissante et intégratrice. Tous les racialistes et désintégrateurs étaient hostiles à cette équipe des Bleus, rassemblés comme à la parade de l’anti-France, de Rivarol à Houria Bouteldja, se pourléchant les babines et se repaissant d’un chaos ardemment souhaité. Ils ont chapardé une bataille, mais ils n’ont pas gagné la guerre.

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L’image renvoyée au monde entier d’un pays livré au chaos dans un moment supposé de joie se révèle absolument désastreuse et a pulvérisé en une poignée de minutes tout ce qui avait été échafaudé par les uns et les autres. On peut d’ores et déjà considérer qu’en raison de ces scènes insupportables où les Champs-Elysées ont été concrètement transformés en territoire perdu de la République, en plus belle avenue du Bronx des années 1980, la retombée de la victoire sportive sur la popularité de l’exécutif sera au moins nulle, si ce n’est négative. Si bien que même ceux qui espéraient sans doute pouvoir récupérer cette victoire à leur compte se la sont fait dérober.

La France, seule au monde

Dans quel autre pays de la planète voit-on la délinquance s’emparer aussi aisément de l’espace public, manifester aussi librement – et quasi impunément – sa haine du pays qui la nourrit, l’éduque, la soigne, la protège, la défend ? A l’extrême limite, il est imaginable que des mouvements de colère aient lieu lors de faits violents et négatifs, mais que ces « débordements » qui en réalité deviennent la règle se déroulent lors d’un événement aussi festif, voilà qui traduit un état de rupture et de sécession préoccupant, sur lequel les observateurs des bilans réels des nuits de la Saint-Sylvestre, 14 juillet et autres joyeusetés de ces dernières années n’ont cessé d’essayer d’alerter.

292 personnes ont été placées en garde à vue en France après les événements consécutifs à la finale de la Coupe du Monde. On peut légitimement s’interroger sur l’effet de ces arrestations et de la réponse pénale qui y sera apportée, étant entendu que le problème est autrement plus vaste.

Charge en attendant à ceux qui subissent tout cela de supporter sans broncher. Jusqu’à quand ? Car, ce qui a été volé, le peuple divers mais rassemblé se décidera peut-être bien un jour tout de même à le reprendre…



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Chroniqueuse et essayiste. Auteur de "Liberté d'inexpression, des formes contemporaines de la censure", aux éditions de l'Artilleur, septembre 2020.

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