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Non, le burqini n’est pas un problème d’hygiène!

Le Conseil d’État a estimé que les piscines de Grenoble avaient dérogé à la règle commune pour satisfaire une revendication religieuse


Non, le burqini n’est pas un problème d’hygiène!
© CEM OZDEL/A.A./SIPA

N’en déplaise à des défenseurs de la laïcité trop mous, comme le philosophe Henri Peña-Ruiz, tous les signes religieux ne se valent pas. Et il n’est plus temps de s’inquiéter de braquer ou de «stigmatiser» les musulmans. Les incidents se multiplient en France. Si le burqini est une menace, on ne peut se contenter de l’interdire pour des raisons d’hygiène. Remettons un peu d’hygiène… dans le débat public !


Sinistres marronniers du débat public, dont la prégnance suffirait à prouver que la France n’est plus vraiment la France, le hijab et ses avatars, dont le désormais célèbre burqini (avec un q et non un k, cet étendard obscurantiste relevant plus de la burqa que du bikini !). Sujet que l’on aurait tort de croire dérisoire, car il n’est jamais dérisoire qu’un ennemi déclaré plante ouvertement son drapeau sur le territoire national.

Certes, le Conseil d’État a tranché en défaveur de la décision islamo-gauchiste de la municipalité EELV de Grenoble, et il faut s’en réjouir. Reste que les arguments avancés incitent à la prudence : s’il est heureusement rappelé que nul ne doit pouvoir se prévaloir de ses convictions religieuses pour s’exonérer de la loi commune, la dimension idéologique du burqini est passée sous silence, et c’est surtout l’incohérence du règlement intérieur des piscines de la ville qui lui vaut cette défaite. L’arbitrage du Conseil d’État laisse ainsi trop de portes entrouvertes, trop d’ambiguïtés, trop d’appréciations possibles, en particulier sur ce qui constitue ou non un trouble à l’ordre public.

Insécurité juridique et djihad d’atmosphère

On verra donc, à la faveur de l’été, se multiplier les provocations, revendications et coups de force, pouvant aller jusqu’à des menaces d’une extrême gravité et des noms jetés en pâture aux meutes islamistes, comme cela vient d’être le cas pour un maître-nageur dans les Yvelines, ou une CPE dans un lycée à Paris. Et en l’absence d’une interdiction claire du port ostentatoire des symboles islamistes, à la manière de l’interdiction du port des symboles nazis, ce sont une fois encore les responsables locaux, au cas par cas, qui seront condamnés à faire au mieux, sans la sécurité juridique que le législateur pourrait et devrait leur garantir.

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En outre, si la manière dont les islamistes instrumentalisent la lettre des lois pour en combattre l’esprit ne surprend plus personne, on s’étonne encore parfois de redécouvrir à quel point certains « défenseurs de la laïcité », à l’image d’un gouvernement sans courage, s’enferment dans des ratiocinations absurdes à force de vouloir combattre l’islamisme sans oser dire son fait à l’islam. Ainsi de cette « grande figure » qu’est Henri Peña-Ruiz, dont les erreurs méritent d’être analysées car elles sont hélas représentatives, et éclairent les raisons de notre faiblesse collective.

Une « aliénation » intolérable partout

Dans Marianne, le philosophe a publié une lettre ouverte au maire de Grenoble. Il s’y opposait, à juste titre, à l’autorisation du burqini dans les piscines municipales. À juste titre également, il s’opposait à ce que « des règles particulières puissent tenir en échec la loi commune ». Mais il développait ensuite une argumentation totalement hors de propos sur l’hygiène, argumentation dont l’absurdité éclate lorsqu’il écrivait vouloir l’interdiction du burqini dans les piscines mais refuser cette même interdiction sur les plages, envisageant même au détour d’une phrase l’autorisation dans les piscines d’un burqini « raccourci et moulant ».

Henri Pena-Ruiz © IBO/SIPA Numéro de reportage: 00487142_000002

Suivaient diverses remarques sur la laïcité et la Révolution qui émanciperaient des « particularismes coutumiers, véhicules fréquents de traditions rétrogrades liées au machisme patriarcal », et une trop brève réflexion sur le burqini comme banalisant et donc encourageant une aliénation – aliénation dont la nature exacte est hélas passée sous silence, tout au plus évoquait-il « les religieux qui veulent l’imposer », tout comme étaient évoqués plus haut « les religieux soucieux de cacher le corps de la femme. » Le burqini viendrait-il donc d’épigones de Savonarole ou de Tartuffe « cachez ce sein que je ne saurais voir » ? En vain cherchera-t-on le terme « islam » dans cette lettre ouverte, et les seuls héritiers de Tartuffe ici sont ceux qui s’ingénient à cacher ce mot qu’ils ne sauraient voir !

Relevons l’incohérence évidente : si le burqini est signe d’aliénation (et il l’est en effet), pourquoi Henri Peña-Ruiz s’oppose-t-il à ces « élus de droite » qui ont voulu l’interdire sur les plages ? L’aliénation insupportable dans une piscine serait-elle tolérable sur une plage ? Et pourquoi le philosophe refuse-t-il l’interdiction du hijab dans l’espace public, allant jusqu’à qualifier l’éventualité même d’une telle interdiction « d’arme identitaire », alors que le hijab proclame très exactement le même message d’aliénation que le burqini, et la même « imposition à la femme d’une pudibonderie sélective, puisque c’est elle et elle seule qui doit cacher son corps » ?

Attention Henri Peña-Ruiz, ce sont les Français qui vont se braquer !

La réponse est fort simple : un raisonnement cohérent qui dénoncerait le burqini pour ce qu’il est conduirait inéluctablement à dénoncer le hijab pour la même raison (et éric Zemmour n’a pas tort de pousser la logique jusqu’à la djellaba), et surtout à dénoncer clairement ce qu’ils représentent et proclament, c’est-à-dire les préceptes sexistes et totalitaires de l’islam. Car burqini et hijab n’affirment pas tant une soumission de la femme à l’homme qu’une vision profondément dévalorisante des deux, et leur soumission commune à la volonté arbitraire du dieu-tyran Allah telle qu’exprimée par la charia. Or, de cela Henri Peña-Ruiz et toute la « gauche laïque et républicaine » sont incapables, paralysés par l’impératif de « tolérance » qui leur interdit de condamner l’idéologie islamique. Et c’est ce même impératif, mâtiné de relativisme gauchiste et de vieux réflexes de « bouffeur de curé », qui conduit le philosophe à ne dénoncer que de très vagues « religieux », des « traditions rétrogrades » imprécises et le « machisme patriarcal ». Sans oublier, bien sûr, l’injonction récurrente de ne pas stigmatiser, qui en 2009 déjà inspirait à Henri Peña-Ruiz bien des prudences à l’idée d’interdire la burqa et le voile intégral, déclarant alors : « une partie de la population risque de se sentir stigmatisée. On risque de braquer les gens. »

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Aboutissement de ces multiples erreurs de raisonnement et de ces priorités faussées, Henri Peña-Ruiz a pris fait et cause pour la Nupes, prétendant vouloir l’influencer de l’intérieur. On ne lui fera pas l’injure d’y voir de l’hypocrisie, reste donc l’aveuglement idéologique, et voilà le vaillant défenseur de la laïcité qui brandit l’étendard des promoteurs de la marche de la honte islamiste du 10 novembre, et du « butin de guerre » de Bouteldja…

Tous les signes religieux ne se valent pas

Misère d’un multiculturalisme qui ne dit pas son nom, et refuse obstinément de voir que non seulement un burqini ou un hijab ne véhiculent par du tout le même message qu’une croix, une kippa ou une robe de moine bouddhiste, mais surtout que le message du burqini et du hijab, qui est l’apologie de la charia, n’a pas sa place dans notre société, alors que le christianisme, le judaïsme ou le bouddhisme n’y posent aucun problème. Et c’est pour ça qu’Henri Peña-Ruiz est totalement hors-sujet lorsqu’il évoque « les signes religieux dans l’espace public » alors qu’il faudrait parler des emblèmes d’idéologies totalitaires dans l’espace public.

Misère d’une laïcité dévoyée, instrumentalisée par la gauche pour servir de caution à un traitement indifférencié de toutes les religions (et dont l’abandon de la lutte contre les dérives sectaires est la conséquence logique), alors qu’en réalité la laïcité affirme la soumission des religions à la loi de l’État, et qu’aucun Etat n’a à traiter de la même manière ceux qui respectent ses lois et ceux qui les piétinent. Chauffards et bons conducteurs sont égaux devant la loi et le code de la route, pourtant l’État retire leur permis de conduire aux premiers, et non aux seconds.

Laïcité doublement dévoyée, d’ailleurs, lorsque ses « défenseurs » oublient que le premier principe affirmé par la loi de 1905 (dans la première phrase de son article 1) est celui de la liberté de conscience, qui précède et donc conditionne la liberté de culte (car contrairement à ce que semble écrire le Conseil d’État, celle-ci n’est pas limitée uniquement par l’ordre public), et que le refus par l’islam sunnite orthodoxe (qui n’est certes pas le tout de l’islam, mais qui est l’islam dont se réclame l’écrasante majorité des musulmans en France) de reconnaître le droit à l’apostasie pourrait donc suffire à rendre cette « religion » hors-la-loi, et incidemment à la ranger dans la catégorie des sectes obscurantistes. Les Anciens, qui avaient pensé la distinction entre religio et superstitio, l’auraient compris aisément. Mais la gauche qui se dit républicaine a oublié les leçons de la première des républiques, celle de Rome, et Henri Peña-Ruiz n’a pas la lucidité de Cicéron. Nous aurions pourtant bien besoin collectivement de nous inspirer du Père de la Patrie lorsqu’il s’opposait aux ambitions de Catilina, et de demander enfin, avec toute la détermination combative du Consul : « Jusqu’à quand, islam, vas-tu abuser de notre patience ? »


Élisabeth Lévy : « Burkini : le Conseil d’État a tranché, la France a le droit de le refuser ! »




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Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Dernière publicatrion : "Refuser l'arbitraire: Qu'avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ?" (FYP éditions, 2023)

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