Nouveau déchaînement dans l’invraisemblable bazar qu’est devenu le débat public en France, depuis l’arrêt de la cour d’assises de Seine-et-Marne ayant prononcé l’acquittement d’un jeune homme de 22 ans poursuivi pour le viol d’une mineure de 11 ans.
Mêmes caractéristiques, hystérie nourrie d’ignorance, mauvaise foi, et surtout une inculture juridique et judiciaire consternante, partagée par certaines élites politiques et médiatiques utilisant sans complexe le plus triste populisme judiciaire : « alors on acquitte un violeur, coupable (forcément coupable) d’avoir violé une fillette de 11 ans ? ».
La logique #balancetonporc
Comme souvent cette présentation n’a rien à voir avec la réalité des faits, sur laquelle les aboyeurs ne s’interrogent même pas. Qu’importe ? Il s’agit de brailler et de prendre la pose.
Après les affaires Weinstein et Cantat, suivies du grand déballage de #balancetonporc, de l’acquittement d’Abdelkader Merah pour complicité des crimes de son frère, des mises en cause Ramadan/Plenel, voilà venu un nouveau sujet de déraison avec la décision de la Cour d’assises de Melun.
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Bien sûr, les plus bruyants, ceux qui montent au créneau pour surtout cracher leur venin, ne savent rien, ni des faits, ni des personnes en cause, ni des raisons objectives factuelles et juridiques ayant conduit à une telle décision. Toutes choses pourtant examinées minutieusement par des magistrats professionnels et des jurés citoyens après une procédure longue et contradictoire.
Madame Pécresse, dans un débat télévisé a asséné que « mère de famille, la décision la faisait vomir ». Avant de vomir, justement, ne serait-il pas utile de se donner la peine de s’informer, sans parler de l’insulte lancée aux magistrats et citoyens qui ont jugé en leur âme et conscience ?
Identité de papier
Comme pour l’affaire Jacqueline Sauvage, présentée comme la victime pendant 50 ans d’un mari violent, ce qui était en totale contradiction avec toutes les décisions de justice rendues dans son dossier. Comme pour l’affaire de Pontoise lors du choix d’une procédure correctionnelle par le parquet dans une affaire de rapports sexuels entre un jeune homme de 22 ans et la jeune Sarah présentée par la presse comme ayant 11 ans.
Il se trouve justement que le dossier de Melun est le symétrique de celui de Pontoise.
On donnera ici quelques-uns des éléments factuels permettant d’appréhender mieux la réalité de la situation.
En 2010, un jeune homme d’origine cap-verdienne, âgé de 22 ans, a rencontré une jeune fille d’origine congolaise avec laquelle il a eu une relation sexuelle. L’instruction établira qu’à ce moment-là, la jeune fille était pubère depuis plus d’un an et, photos de l’époque à l’appui, qu’elle était formée. Elle donnait l’impression d’un âge plus élevé que celui émanant de son acte de naissance congolais sur lequel pèse un sérieux doute d’authenticité.
Plusieurs semaines se sont écoulées sans que la jeune fille ne se manifeste. Devant l’évidence d’une grossesse, elle avouait à sa mère ce qui lui était arrivé. Cette dernière décida alors de déposer plainte. Les différentes dépositions de la jeune fille firent apparaître un certain nombre de contradictions.
Le jeune homme, reparti au Portugal, y fut avisé des poursuites entamées contre lui, et plutôt que de prendre la fuite et repartir en Afrique, il se présenta à la justice française pour assumer ses responsabilités. Sa version ne varia jamais, et il a toujours affirmé avoir été persuadé que la jeune fille avait autour de 15 ans, et qu’il avait relevé dans son attitude toutes les marques d’un consentement.
La justice n’est pas là pour assurer la stabilité digestive de Valérie Pécresse
Le problème posé au parquet était le même que celui auquel avait été confronté le parquet de Pontoise. Soit poursuivre pour viol avec la lourdeur d’une procédure criminelle à la fois longue et éprouvante pour tous, et se trouver confronté au problème de la qualification du crime de viol (Articles 222-23 et suivants du Code pénal) avec les conditions dont la preuve pénale est exigée. Soit retenir la qualification correctionnelle «d’atteinte sexuelle » (Articles 222-25 et suivants du Code pénal), qui n’exige, pour être établie, que la preuve de la connaissance par le majeur de la minorité de la « victime ». Il existe là une quasi-présomption physique de la minorité, où l’apparence joue un rôle essentiel. Il convient d’ailleurs de relever que dans les deux affaires de Pontoise et de Melun, la véracité des documents d’État civil est remise en cause.
C’est ce qu’avaient compris intelligemment les membres du parquet de Pontoise, ce qui n’empêcha pas une tempête d’injures indignes, dans les médias et sur les réseaux. C’est ce que n’avait peut-être pas mesuré le parquet de Melun qui a choisi de retenir la qualification de viol pour aboutir au fiasco de la semaine dernière.
Malgré une procédure de sept ans (!), et en raison d’éléments difficilement réfutables, il n’a pas été possible d’établir que « la pénétration sexuelle, avait été commise par violence, contrainte, menace ou surprise ».
C’est ce qu’ont décidé trois magistrats assermentés et six jurés, citoyens ayant prêté serment pour l’occasion, après avoir pris connaissance de l’ensemble du dossier, refait toute l’instruction à l’audience, entendu la partie civile, les réquisitions de l’avocat général, et la plaidoirie de la défense[tooltips content=’On dira un mot de la défense assurée fermement par un avocat du barreau de Meaux. Il porte un nom d’origine maghrébine. Est-il utile de dire le torrent d’injures qu’il a dû affronter ? Avec en plus les connotations qu’on imagine. Il ne les a pas traitées par le mépris, mais avec la volonté de répondre et de convaincre. Voilà quelqu’un qui ne s’est manifestement pas trompé de métier.’]1[/tooltips]. Ils ont pris cette décision qui reflète leur intime conviction et après en avoir délibéré.
Leur décision aurait fait vomir Madame Pécresse ? On rappellera une fois de plus que la justice poursuit ses objectifs propres qui sont de sanctionner un trouble à l’ordre social. Elle n’est pas là pour assurer la stabilité digestive de la présidente du Conseil général d’Île de France, faire reconnaître le statut de victime, ou permettre de faire son deuil.
La rue ne doit pas (re)faire la loi
Il est clair que le choix du parquet, au contraire de celui de Pontoise, a conduit, celle qui est aujourd’hui une jeune femme, dans une impasse douloureuse. Elle a complètement rejeté le fils né de cette union furtive qui vit depuis sa naissance dans une famille d’accueil. Et celui-ci, du haut de ses sept ans, faute d’une mère qui ne veut pas de lui, semble vouloir connaître son père. Ce que bien sûr empêche la procédure qui se poursuit puisque le parquet a fait appel de la décision de la Cour d’assises de première instance.
Mais peu nombreux sont ceux qui s’intéressent à cette réalité humaine, car elle concerne un monde dont les petits-bourgeois donneurs de leçons n’ont pas la moindre idée. Que savent-ils de la vie de ces populations reléguées du Val-d’Oise et de la Seine-et-Marne ? Les objectifs poursuivis sont cependant très clairs, adopter des postures, et assouvir un compulsif besoin de pénal.
Comme à chaque fois, après le grand défouloir, chacun va prendre la pose et se lancer dans des surenchères juridiques effarantes. Il y a eu la « légitime défense différée » après l’affaire Sauvage, c’est-à-dire un permis de tuer. Cette fois-ci, on réclame à grands cris l’instauration d’une « présomption irréfragable » de viol dès lors qu’il y aura une relation sexuelle avec un mineur de 15 ans. Présomption irréfragable cela veut dire que non seulement la charge de la preuve de la culpabilité ne pèsera plus sur l’accusation, mais que la preuve contraire sera interdite ! Et on nous vend, à partir de deux affaires marginales, cette renonciation à des principes fondamentaux au nom de la protection de l’enfance ?
La protection de l’enfance, parlons-en. C’est d’abord une compétence, celle des Conseils départementaux, ensuite ce sont des métiers, ceux des assistantes sociales, des policiers, des gendarmes, des magistrats et des avocats qui la prennent en charge. Qui essaient d’aider ces dizaines de milliers d’enfants pour essayer de les sortir de la misère et de la violence. Dans des conditions matérielles toujours plus drastiques, de restrictions de budget et de démission de l’État.
Pour y être engagée, je peux dire la force et la fréquence du sentiment de solitude. Et relever l’absence totale des belles âmes, qui cancanent à foison sur les plateaux, dans les médias et sur les réseaux.
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