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Virginie Despentes crie haro sur l’hétéro


Virginie Despentes crie haro sur l’hétéro

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C’est peu dire qu’elle n’a pas aimé, Virginie Despentes, la leçon administrée par le retiré de la vie politique. Lionel Jospin a prétendu sur Canal +, et en clair en plus, ça ne se fait pas, à l’heure où tous les petits enfants peuvent l’entendre, alors qu’ils pourraient plutôt regarder sagement en famille homoparentale recomposée les adaptations porno des bouquins de Virginie, que « l’humanité est structurée sur le rapport homme-femme ». Rendez-vous compte un peu. Une obscénité dégoutante comme on n’en avait pas entendu depuis longtemps, même chez Canal qui pourtant repousse sans arrêt, avec ses gros bras cryptés, toutes les limites. Enfoncés, les Sade, les Pasolini, les John B. Root et autres Despentes elle-même. Plus gore que chez gore, le Jospin. Vas-y répète ? « L’humanité structurée sur le rapport homme-femme » ? Salopard de coton-tige phallocentrique. Quand elle a entendu cette horreur inqualifiable à une heure de grande écoute, elle a vu rouge Virginie, elle s’est offusquée très fort de cette atteinte monstrueuse à sa morale, elle a fait ni une ni deux, elle a trempé sa plume dans son fiel, et a écrit à Têtu.

Résultat : ils n’ont jamais vu ça chez Têtu, où pourtant ils n’ont pas froid aux yeux non plus : 277 991 « vues » à l’heure où je vous parle, pour un article sur un site où les « hits » plafonnent d’habitude à 20 000. Le high score pour Virginie, ex-romancière et néo-lesbienne, qui touche le fond en même temps que le plafond avec sa diatribe qui nous apprend qu’en régime hétérofacho à la Jospin, eh bien, l’humanité « c’est l’histoire de comment [les femmes] en ont pris plein la gueule pendant des millénaires », passqu’en plus, hein, les femmes, je vous le donne en mille, elles ont pas d’âme pour ces salauds d’hétéros, et quand elle sont mères célibataires elle finissent sur le bûcher comme des sorcières, et que tout ça c’est limite la faute à Jospin lui-même, cet hétéro plouc qui donne même pas de fric à sa femme lorsqu’elle le suce, et qui en plus, le salopard, est divorcé. C’est longuet comme article, je résume : les hétéros ont des vies tellement merdiques que vraiment, merci, ils ont pas de leçon à donner, ils sont polygames en plus, grâce au divorce, ils changent plus vite de femmes que de voitures, ça se voit pas la peine de faire semblant, alors pouêt-pouêt camembert sur les « bougnoules », le mariage hétéro c’est juste de la prostitution polygame en plus hypocrite, Virginie elle dit aussi que nous autres les hétéros on a déjà tellement foutu la merde, tellement on est nuls et « toxiques » avec nos gamins que franchement le mariage homo ça serait vraiment tellement rien du tout comme nouveau bordel tellement le mariage c’est déjà du bordel tout foutu tout bousillé qu’on peut lui foutre un coup de pied de l’âne en plus dans sa gueule toute tordue au vieux mariage hétéro avec le mariage pour tous, franchement, ça fera quoi comme différence ?

Bon. Au-delà du style « punk rock », il y a le fond. Assez gnangnan. Les enfants des parents divorcés ne fêtent plus Noël en famille à cause des parents divorcés, et les familles modernes sont pourries. Si l’on oublie le ton branché-décontracté, j’ai bien peur que ce que l’on trouve comme fond, ce soit du puritanisme à la Civitas, le respect catholique pour la chair en moins. Tout fout le camp ma bonne dame et c’est de la faute aux pères modernes, ces salauds qui savent plus s‘engager durablement. Personnellement, ce n’est pas que ça me gêne outre-mesure le gnangnan, surtout lorsqu’il fleure bon le catholicisme, j’aurais tendance à signer, malgré mon passé chargé de jeune mâle hétéro, mais venant de Virginie Despentes, ça fait quand même un peu drôle comme sermon. Drôle en effet, comme dans cette affaire, les homos veulent nous prendre nous autres les gens attachés au mariage hétéro, non pas par derrière, j’oserais pas, mais à front renversé. Les voilà qui gémissent sur le divorce, le remariage, et les familles éclatées, et sur l’incapacité des hétéros à élever correctement leurs gamins, c’est-à-dire sans doute dans les bons vieux principes d’autorité et d’obéissance, et qu’en conséquence, hein, les leçons qu’ils donnent aux homos, et la paille, et la poutre, etc.

Ils passent leurs journées à écouter Benoît XVI sur KTO ou quoi, les militants gays ? Plus famille tradi que moi, tu meurs ! Si l’on ajoute à ça l’espèce de dégoût ultra-puritain pour le sexe masculin qui se manifeste violemment dans l’article, alors il faut bien constater que depuis Bernardin de Saint-Pierre, Virginie a bien changé : elle n’aime plus du tout Popaul. C’est que maintenant, elle vit bien heureuse avec sa compagne dans la douceur homosexuelle (à lire sa prose, on la sent quand même assez loin d’être parfaitement apaisée par les caresses de sa compagne à la maison, mais bon), loin des horreurs du sexe hétéro et des salopards multi-baiseurs oppresseurs allumeurs de bûcher à la Jospin.

S’il est possible à un réac catho de dire un mot en faveur de Jospin sans trop le compromettre, qu’il me soit permis de dire que je la trouve rudement injuste Virginie, avec Lionel. Car l’opinion de Jospin, contrairement à ce que pense notre polémiste, je ne crois pas du tout que ce soit celle d’un vilain mâle oppresseur du sexe faible, que ça gêne « quand deux chiennes oublient le collier, (…) pour les maintenir sous le joug de l’hétérosexualité ». Je crois que si Jospin n’écoutait que son mâle modernisme et son socialisme viril, il serait parfaitement pour le mariage homo. Je crois au contraire que s’il s’oppose au mariage homo, c’est justement parce qu’il écoute sa « chienne » de femme philosophe qu’il a la maison, Sylviane Agacinski, qui ne doit pas être si opprimée que cela puisqu’elle parvient apparemment à faire penser son ancien Premier ministre de mari contre lui-même et contre son camp. Sa philosophe de femme qui dès 2007 écrivait ceci. « On invoque généralement un culturalisme intégral pour affirmer que le droit civil et particulièrement l’institution du mariage et de la filiation sont de pures constructions, étrangères à la sexuation et à la génération. Mais il n’en est rien, car le lien de filiation unissant un enfant à ses parents est universellement tenu pour bilatéral, et cette bilatéralité serait inintelligible si elle ne s’étayait directement sur la génération sexuée ».

Moi, c’est ça que j’aime dans le couple, chère Virginie Despentes, quand un mec de gauche pense parfois, parce qu’il a une femme libre à la maison qui peut le convaincre, comme un mec de droite. Ou l’inverse. C’est aussi en ce sens-là peut-être que l’humanité est structurée par la différence homme-femme. Parce que cette différence est la mère de toutes les différences. Et que sans différences, sans véritables différences vécues et acceptées, le monde s’effondrera dans cette « immense partouze » que vous trouvez tellement désirable chère Virginie, mais qui sera peut-être moins « à l’amiable » que ce que vous imaginez.

*Photo : Parti socialiste.



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Florentin Piffard est modernologue en région parisienne. Il joue le rôle du père dans une famille recomposée, et nourrit aussi un blog pompeusement intitulé "Discours sauvages sur la modernité".

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