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Toulouse : ceux qui auraient dû se taire


Disons-le d’emblée, je n’aurais pas assez de place ici pour stigmatiser, oui c’est le verbe approprié, tous ceux qui ont jugé utile de conclure avant de savoir après les assassinats de Toulouse et Montauban – et avant qu’on identifie le « présumé coupable ». Mais quelques monstruosités ont été dites, notamment par plusieurs candidats à la présidentielle. Rembobinons et écoutons.

A tout seigneur tout honneur. François Bayrou avait jugé utile de maintenir lundi soir son meeting de Grenoble. Et pour cause : dans la foulée de l’expertologue Dominique Reynié, il avait cerné le coupable bien avant la police. « Je crois que ce type de folie s’enracine dans l’état d’une société et dans la société française, ce type d’atteintes, d’actes se multiplient [..]. Il y a un degré de violence et de stigmatisation dans la société française qui est en train de grandir, c’est inacceptable »
Suivez son regard. Vous ne voyez pas vers où il mène ? Le candidat Modem vous donne des indices supplémentaires : « Les hommes publics ont le devoir de veiller à ce que les tensions, les passions, les haines ne soient pas à chaque instant entretenues. Le fait de montrer du doigt les uns et les autres en fonction de leur origine, c’est faire flamber les passions et on le fait parce que dans ce feu-là, il y a des voix à prendre ».
Vous en voulez encore, du Bayrou ? En voilà : « On lance des sujets dans le débat, on prononce des mots qui roulent comme une avalanche et parfois tombent sur des fous. Nous ne savons rien sur celui qui a perpétré cette tuerie, mais nous sentons bien que cela n’est pas sans lien avec une certaine évolution de la France ». Bref, ce soir-là à Toulouse, Bayrou n’a incriminé nommément aucun de ses concurrents mais pour lui, deux seules pistes étaient envisageables : soit l’assassin habite à l’Elysée, soit elle a les cheveux blonds…

Ces propos incendiaires, et très peu prémonitoires, François Hollande aurait pu les dénoncer dès le lendemain matin chez Jean-Jacques Bourdin, dont il était l’invité sur RMC et BFM. Hélas c’est exactement le contraire qu’il crût bon de faire. Invité par Bourdin à commenter les accusations de Bayrou, Hollande se met illico sur la même longueur d’onde hasardeuse: « Il y a des mots qui influencent, qui pénètrent, qui libèrent, ceux qui ont des responsabilités doivent maîtriser leur vocabulaire », nous dit très pompeusement le candidat PS, avant, lui aussi de jeter un regard appuyé vers l’hôte actuel de l’Elysée : « Au sommet de l’État, rien ne peut être toléré. Ni le vocabulaire, ni la vulgarité, ni la facilité, ni je ne sais quelle simplification ».

Jean-Luc Mélenchon, lui non plus, n’a pas perdu cette occasion de se taire. Voilà ce qu’il a dit ce même lundi, d’après le compte-rendu publié par l’Humanité.fr (d’où l’expression un rien absconse de « porteur du programme partagé » pour qualifier Mélenchon) : « Cette violence, personne ne pouvait l’imaginer en France. C’est un grand changement, il faut réfléchir et trouver les moyens de répliquer ». Le porteur du programme partagé a redit que « chacun doit dorénavant faire attention à ses citations ». Il garde « en travers de la gorge » d’avoir entendu dans la bouche de Jean-Marie Le Pen « les mots d’un odieux collaborationniste », Robert Brasillach. L’ex-président du FN avait cité cet écrivain mort fusillé pour collaboration à la mi-février à Lille.

Et n’allez pas croire que mes confrès de l’Huma ont surinterprété les propos de leur candidat: le même lundi, vers 19h, on exultait sur le compte twitter officiel de JLM : « Brasillach est servi »

Le plus incroyable, dans cette histoire, est que le même Jean-Luc Mélenchon appelle ce matin à « lutter contre les assimilations et contre les stigmatisations haineuses ». Parole d’orfèvre…

Enfin ce recueil d’avis d’experts serait incomplet sans un bref détour par Marine Le Pen. Certes, MLP n’a pas, elle, tiré de conclusions hâtives avant même l’interpellation du tueur présumé. Mais elle n’a pu s’empêcher d’en faire immédiatement après, en estimant que ces assassinats auraient pu être évités si pendant cinq ans Nicolas Sarkozy n’avait pas sous-estimé la menace islamiste. Quand on tient un coupable idéal, on ne lâche pas comme ça…



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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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