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Proxénète, DSK ?


La Sainte Inquisition est de retour. Autrefois elle brûlait les sorcières accusées d’avoir fait commerce avec le Malin. Désormais, elle cloue au pilori les hommes de petite vertu. En inculpant Dominique Strauss-Kahn pour proxénétisme aggravé en bande, crime passible de 20 ans d’emprisonnement, les magistrats lillois se sont offert un beau coup de pub. Ils ont surtout montré qu’ils avaient une curieuse et pour tout dire inquiétante conception de leur mission, qui ne consisterait pas à défendre la loi mais à dire le Bien et le Mal. Autrement dit, ils ne sont pas les garants de la morale publique mais les gardiens de nos vertus privées.

Que reprochent-ils à l’ancien patron du FMI ? D’avoir participé à des parties fines organisées en recourant aux services de prostituées. DSK dit qu’il ignorait que les demoiselles étaient payées. Mais quand bien même il l’aurait su, la loi française ne punit pas le recours à la prostitution, dès lors qu’elle concerne des adultes consentants. On a le droit d’être personnellement choqué par de tels comportements, mais c’est le prix à payer pour vivre dans une société libérale où chacun bénéficie de « la paisible jouissance de l’indépendance privée », comme dit Benjamin Constant. Ou alors il faudra accepter un jour que les magistrats pénètrent dans toutes les alcôves pour s’assurer que nul ne commet l’adultère ou ne se livre à des jeux érotiques que la morale de ces messieurs-dames réprouve.

Il serait en revanche problématique que ces dames eussent été rémunérées par de l’argent douteux ou détourné. La façon dont DSK occupait ses soirées ne me regarde pas ; qu’un homme politique accepte des faveurs contre lesquelles on pourrait lui en demander d’autres, c’est une autre affaire – une affaire publique. Oui mais justement, les juges ont abandonné la piste de l’abus de bien social, la seule qui aurait pu concerner la collectivité. Non, ce qui leur déplait, à ces professeurs de morale, c’est que DSK ait eu des copains et copines de partouzes, payées ou pas. Pour eux, c’est la même chose que si lui et ses amis lillois avaient été à la tête d’un réseau de prostitution exploitant et tabassant des malheureuses en situation irrégulière. A ce compte-là, trois ados surpris en train de partager un joint pourraient être poursuivis pour trafic aggravé et association de malfaiteurs ; le copain qui m’a emprunté hier 5 euros pour payer son coca devrait être inculpé pour extorsion de fonds ; et 30 millions de Français devront répondre du crime de voyeurisme aggravé. Alors oui, ces juges me fichent la trouille.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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