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Pas de mark pour Merkel


Anegla Merkel visite une fonderie. Photo : Lawrence Berkeley National Laboratory.

Pourquoi diable l’Allemagne rigoureuse et exemplaire devrait-elle consentir à davantage d’efforts financiers pour sauver l’euro ?[1. De fait, le citoyen allemand et son gouvernement refusent catégoriquement de partager une partie du fardeau des nations dans l’œil du cyclone.] A y regarder de plus près, la situation n’est pas si simple et il est une vérité que les fourmis travailleuses allemandes peinent à admettre : c’est que les déboires européens leur ont jusque-là profité !

L’affaissement de l’euro provoqué par la crise des États périphériques a ainsi dopé les exportations de l’Allemagne, qui représentent le moteur principal de sa prospérité. Si d’aventure l’Allemagne quittait l’Union Européenne, la valeur de sa monnaie nationale retrouvée (le deutschemark) bondirait et ses exportations s’effondreraient, dégradant le niveau de vie de ses citoyens.

C’est dire si l’Allemagne est redevable à l’euro : ce pays de seulement 80 millions d’habitants paie bien ses salariés et se retrouve néanmoins second exportateur mondial ! Depuis l’avènement de l’euro, grâce à cette monnaie unique sous-évaluée (mais aussi à la qualité de leurs produits manufacturés), les Allemands ont plus que doublé leurs exportations- de 469 milliards d’Euros en 1999 à plus de mille milliards d’Euros en 2010- tandis que leur croissance économique tournait deux fois plus vite que la moyenne européenne sur la même période.

De surcroît, l’Allemagne a massivement exporté vers les nations hyper fragilisées de l’Union, qui souffrent d’une déchéance endémique de leur propre compétitivité et se retrouvent avec des importations allemandes moins chères que leurs propres produits nationaux ! Jouant sur tous les tableaux, nos voisins germains ont aussi accru leurs exportations vers le reste du monde par la grâce d’un euro affaibli parce que composé de nations comme la Grèce, le Portugal, l’Italie ou l’Espagne…

Aussi, à la différence de la Chine, l’Allemagne n’a nul besoin de manipuler sa devise pour rendre ses exportations attractives. Elle se contente d’assister à l’incendie qui ravage les PIIGS et d’en tirer bénéfice, ses entreprises se payant même le luxe d’afficher un sentiment de confiance en progression en ce mois de novembre, soit à l’acmé de la tourmente européenne.

Une étude fort intéressante et révélatrice de l’UBS conclut qu’une sortie de l’euro coûterait à l’Allemagne 20 à 25% de son P.I.B., c’est-à-dire entre 6 000 et 8 000 Euros à chacun de ses citoyens la première année puis 3 500 à 4 000 Euros les années suivantes ! La même étude indique que le citoyen allemand ne paierait au total que 1 000 Euros si l’Union Européenne devait ingérer la moitié des dettes de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal…

En d’autres termes, les Allemands ont tout intérêt à rester dans un euro maintenu à son niveau actuel. Et, puisqu’ils y gagnent, ils feront en dernier ressort tout ce qu’il y a à faire pour maintenir des nations « faibles » au sein de la zone euro…



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Franco-Suisse né à Beyrouth en 1963, il a sillonné le Moyen-Orient. ex-cambiste et trader, il dirrige sa propre société financière à Genève pendant douze ans. Aujourd'hui, Michel Santi décortique, scrute et analyse le monde de la Finance. Il est également rédacteur du site : <a href="http://www.gestionsuisse.com">Gestion Suisse</a>

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