Accueil Monde Le Kosovo, laboratoire des « printemps » arabes ?

Le Kosovo, laboratoire des « printemps » arabes ?


Photo : Joseph A Ferris III

Avril 1999, les bombes de l’OTAN pleuvent sur Belgrade. Après l’échec de la conférence de Rambouillet où, en février, Serbes et Albanais n’ont pu s’entendre sur le sort du Kosovo, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord a décidé de faire plier la Serbie manu militari face aux exigences albanaises. Suivront 78 jours de frappe au terme desquels est adoptée la résolution 1244 plaçant le Kosovo sous administration provisoire de l’ONU.

Pour les Albanais musulmans, le Kosovo est l’héritage de l’empire Ottoman qui l’occupa dès le milieu du XVème siècle et l’appendice rattaché à la Grande Albanie en 1941 sous le protectorat italien. Or, pour les Serbes majoritairement orthodoxes, il est le berceau spirituel de la Serbie enlevé à Byzance en 1170 avant que le Traité de Bucarest (1913) consacre son appartenance à la Serbie puis qu’à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, le Kosovo n’accède au rang de province autonome serbe au sein de la Yougoslavie. Alors que les années Tito avaient largement bénéficié à l’immigration albanaise au détriment des Serbes, Slobodan Milosevic décide en 1989 de réduire l’autonomie du Kosovo pour permettre à la Serbie de reprendre le contrôle direct de cette province. Cette décision va provoquer de violents affrontements peu avant qu’éclatent les conflits inter-yougoslaves avec la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, décidées à affirmer leur indépendance face au pouvoir central de Belgrade.

Le 15 janvier 1999, quarante-cinq civils Albanais sont retrouvés massacrés dans le village de Racak. La République fédérale de Yougoslavie est immédiatement accusée de ce crime qui devient l’un des prétextes de l’offensive de l’OTAN. Quelques années plus tard, on apprendra que ce massacre était une mise en scène macabrement organisée et qu’il s’agissait en réalité de membres de l’UCK – la guérilla séparatiste albanaise – tués au cours d’un affrontement entre combattants. Plus grave encore, l’Allemagne avait fait état d’un plan de déportation des Albanais (Plan-Fer-à-cheval) prétendument élaboré par la Serbie dont on apprendra en 2001 qu’il s’agissait d’un faux.

Il y a quatre ans jour pour jour, le 17 février 2008, le Kosovo proclamait son indépendance. Depuis, ce nouvel Etat s’illustre par des méthodes mafieuses et l’épuration ethnique des derniers Serbes avec la bénédiction des Américains et de l’Union européenne. Les enclaves serbes subissent régulièrement l’assaut des fondamentalistes albanais et les règlements de compte y sont devenus monnaie courante.

Plus de dix ans après, l’ingérence « humanitaire » de l’OTAN au Kosovo fait figure de précédent à méditer pour mieux comprendre les révoltes que la presse a hâtivement qualifiées de « printemps arabes ». Car partout où les Américains ont voulu intervenir en soutenant l’émergence de nouveaux régimes, l’idéologie islamiste est sortie vainqueur. Sans accréditer la théorie du complot, analysons les résultats de la politique étrangère atlantiste : une Europe ceinturée au sud par des germes de régimes islamistes, au Kosovo, une incursion fondamentaliste dans l’Europe centrale et une pression constante de Washington pour que la Turquie intègre l’Union européenne. Étrange…



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