Le Crif contre le FN?


Le Crif contre le FN?

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Cette campagne pour les élections régionales au cours de laquelle, pour « faire barrage au Front national », des juifs et des francs-maçons ont dénoncé sans nuance ni ménagement la démocratique progression des candidats du Front national, aura eu pour effet de ridiculiser définitivement ceux qui nous annoncent sans rire que les années trente sont de retour.

N’étant pas franc-maçon et ne connaissant ce mouvement – qui ambitionne d’œuvrer au bonheur de l’humanité mais réussit surtout de nos jours à contribuer aux ventes de L’Express, jamais avare de marronniers – que par ce qu’en disait François Cavanna (des petits vieux qui se réunissent pour faire joujou loin de leur bonne femme) je ne m’étendrai pas sur ce sujet. Je me pencherai plutôt sur les Juifs, enfin sur certains Juifs, communautaires et professionnels, qui vivent en France dans la chaleur rassurante de l’entre-soi, comme nostalgiques du ghetto, et dont les porte-parole prétendent me représenter quand ils collent des kippas sur la tête d’élus en quête de clientèle en leur arrachant des promesses de subventions.

Il y a six ans, lors des précédentes élections régionales, l’union des étudiants juifs de France (des couillons qui donnent des leçons à un âge où l’on est censé faire ses devoirs) lançait un appel au boycott dans une campagne intitulée : « Pas une voix juive pour le FN ! » Ne demandant qu’à être convaincu, je réclamais alors des arguments en annonçant que l’injonction ne suffirait pas à me détourner de mon intention. J’attends encore et j’ai beau tendre l’oreille, alors que le parti populiste devient de plus en plus populaire, je n’entends toujours que des slogans vides et des discours creux. [access capability= »lire_inedits »] Ainsi, le Crif Marseille Provence, le Consistoire israélite et le Fonds social juif unifié ont appelé, pour l’élection qui vient d’avoir lieu, « tous les Français à se rendre massivement aux urnes dimanche 13 décembre afin que les valeurs qui sont le socle de nos actions au quotidien prévalent sur la haine et l’obscurantisme ». Mais quelles « valeurs » propres au judaïsme devraient empêcher un Français juif d’apporter sa voix à un parti nationaliste qui s’affiche aujourd’hui gaulliste et républicain ? La séparation des hommes et des femmes dans les lieux de culte ? L’endogamie ? Le droit du sang ? Un « vivrensemble » dans sa version la plus étroite ? La préservation farouche d’une appartenance et d’un mode de vie inventés il y a trois mille ans dans un milieu clos aux frontières étanches ? Car, faut-il le rappeler, même dans une France présidée par Marine le Pen, il restera toujours plus facile pour un étranger de devenir français que pour un « goy » de devenir juif.

De son côté, la présidente du Crif PACA, Michèle Teboul, déclarait : « Si le FN refuse l’aide aux communautés comme sa candidate l’a dit, autant dire que notre travail au quotidien sera réduit à zéro. Tout ce travail de lien social, c’est fini. Fermer, c’est ce qui va arriver à toutes les associations, les unes après les autres. » Totalement ignorant des pratiques associatives, je m’interroge sur la nature de ce lien social qui meurt si on ne l’arrose pas et sur ces communautés qui semblent ne pouvoir, sans aides, continuer à exister comme misérable fragment de la nation, ainsi que sur l’effet que peuvent avoir de telles déclarations sur les contribuables de toutes sortes qui pensent naïvement que leurs impôts locaux servent à construire des routes ou à entretenir des lycées.

Il y a une vingtaine d’années, le directeur d’un supermarché, dont les caissières étaient régulièrement insultées et agressées par de la racaille arrogante et impunie, me confiait que la seule raison qui l’empêchait de voter Front national, c’était l’antisémitisme, car, disait-il, l’antisémitisme, c’est impardonnable. Longtemps, un contentieux a opposé les Juifs et le Front national. Son fondateur Jean-Marie Le Pen a pendant des décennies, par ses provocations, ses amitiés nazies, sa connivence avec le négationnisme et ses blagues antisémites, empêché que l’on cautionne ses attitudes par le vote. Aujourd’hui exclu et désavoué par sa fille, élue présidente du mouvement, il représente un passé révolu. Marine Le Pen a provoqué une rupture claire et l’a affirmée en déclarant que « les chambres à gaz étaient le summum de la barbarie » ou que, victimes d’attentats, « nos compatriotes juifs n’étaient pas assez protégés ». Mais quand bien même il resterait chez les dirigeants ou les cadres de ce parti un antisémitisme bien caché, dans la mesure où ils sont les seuls à promettre l’arrêt d’une immigration arabo-musulmane qui fait grandir la menace qui pèse sur les Juifs, un peu de jugeote devrait amener ceux qui ne se posent qu’une question (Est-ce bon pour les Juifs ?), à cette réponse : Il vaut mieux faire élire des « antisémites » dont la politique est bonne pour les Juifs plutôt que des immigrationnistes encombrés par les œillères de la bien-pensance qui, concrètement, les mettront en danger.

Sans aller jusqu’à espérer que mes coreligionnaires, responsables communautaires et fortement judéo-centrés, seront un jour animés du même altruisme et du même sens de l’honneur ou de cet intérêt général qui prévaut sur ses intérêts particuliers que mon directeur de supermarché, nous pourrions attendre d’eux des prises de position un peu plus malignes et un sens politique un peu plus fin. Ils seraient bien avisés, surtout quand ils soutiennent inconditionnellement les politiques des gouvernements israéliens, d’éviter, par décence, ou à défaut par prudence, de faire la morale aux électeurs sur les questions des frontières, des politiques migratoires, de la préférence nationale, de l’attachement à l’héritage et à un mode de vie, aux figures glorieuses de leur histoire, à la terre et aux morts. Comme le dit Éric Zemmour : « Barrès à Tel Aviv et Zola à Paris, ça suffit ». S’ils persistent dans leurs indignations datées et dans leurs contradictions malheureuses, ils risquent de contribuer à la victoire du parti qu’ils redoutent. En même temps, et ce sera toujours ça de pris, ils auront réussi à déconstruire l’un des clichés antisémites parmi les plus anciens et les plus tenaces, en nous prouvant qu’il y a aussi des Juifs cons.[/access]

*Photo: Sipa.

Janvier 2016 #31

Article extrait du Magazine Causeur



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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