La refondation Ripolin de Najat Vallaud-Belkacem


La refondation Ripolin de Najat Vallaud-Belkacem
Meeting d'"Hé oh la gauche !" à Paris en avril dernier (Photo : SIPA.00752920_000005)
Meeting d'"Hé oh la gauche !" à Paris en avril dernier (Photo : SIPA.00752920_000005)

Toujours à la pointe, Najat Vallaud-Belkacem vient de se saisir avec plusieurs mois d’avance du marronnier de la rentrée : le poids des cartables (parce qu’elle écoute le peuple, elle a bien vu qu’à TF1, tous les ans, ils parlent de ça, donc c’est que ça doit être important). D’ailleurs elle a commencé par alléger le contenu des manuels et des programmes, c’est vous dire si elle prend le sujet à cœur.

Comme Florence Robine (la directrice générale de l’enseignement scolaire) lui a dit qu’il fallait arrêter de lire (ou peut-être parce qu’elle pense que les enseignants ne savent pas lire, puisque qu’ils sont tous allés à l’école avant sa merveilleuse-refondation-qui-fait-la-réussite-de-tous), elle a pris soin de produire un document tout en  pictogrammes.

En plus, elle est très développement durable. Les enfants devront faire l’année avec un seul bâton de colle et un seul effaceur. Je conseille à tous de commencer l’entraînement dès maintenant, parce qu’actuellement, quand ton enfant réussit à faire le mois avec, c’est un miracle.

Point positif pour l’élève, en primaire, si ses parents lui achètent la boîte de gouache et les pinceaux demandés, il pourra en tirer pleinement profit… à la maison ! Car dans le premier degré le matériel d’arts plastiques est acheté avec les crédits de fonctionnement alloués par les communes ou les intercommunalités. Il semble donc que le souci du « pas d’amalgame » ait épargné le ministère de l’Education nationale qui n’hésite plus à commettre des directives identiques pour les premier et second degrés, dont les fonctionnements diffèrent pourtant de façon notoire.

Soyons indulgents, Najat ne peut pas tout savoir, déjà, elle a dû faire la tournée « Hé oh la gauche ! » avec la veste bleue de Ségolène pour avoir l’air d’une future Première ministre,  elle ne peut pas en plus savoir comment fonctionne une école.

Pourtant tout était bien parti, comme en atteste la source de sa liste de commissions : un rapport sur la « Grande pauvreté et réussite scolaire » en 224 pages et 69 propositions signé par Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’Education nationale.

Les pistes étaient prometteuses : 14 propositions reposaient sur des créations de postes,  10 impliquaient des temps de formation et 8 des hausses de budget.  11 mesures devaient aboutir à  de nouvelles directives  et 9 à la mise en place d’évaluations diverses. Une charge supplémentaire pour des personnels déjà submergés par des directives désordonnées et prises sans aucune pertinence quand au déroulé d’une année scolaire. Si l’on ajoute à cela la tirelire déjà cassée pour tenter d’acheter le vote des enseignants, il ne restait pas grand-chose pour financer le plan Jean-Paul…

Il faut donc reconnaître une certaine forme de sagesse à ne retenir de ce copieux rapport que les conseils sur le contenu de la trousse. Pour le reste, l’égalité attendra.

Pour ce qui concerne l’égalité, on repassera…

Ainsi, il  n’y aura pas d’égalité car on a compté pour quantité négligeable ceux des plus modestes qui quelquefois parviennent à se glisser dans ces zones que le ministère a considéré comme favorisées et à qui il a retiré du personnel pour « concentrer les moyens là où il y a de vrais besoins ».

Il n’y aura pas d’égalité car on a refusé de reconnaître qu’avant même le changement qui devait être « maintenant », les crédits pédagogiques alloués aux écoles par les communes variaient déjà dans des proportions de 1 à 10 (selon une enquête du SNUIPP).

Il n’y aura pas d’égalité car on a camouflé les dégâts de la réforme des rythmes scolaires en asseyant son évaluation sur une saisie informatique de données confiée… aux mairies dont la docilité conditionne l’obtention de maigres subsides.

Il n’y aura pas d’égalité car on a soigné l’électorat bobo en maintenant les classes de latinistes à Paris et en les détruisant ailleurs.

Il n’y aura pas d’égalité car on a encouragé les éditeurs à commettre des manuels aux contenus indigents, pendant que les plus favorisés ont des bibliothèques foisonnantes à la maison.

Il n’y aura pas d’égalité car on va supprimer les livrets en maternelle au profit d’un catalogue photographique rassemblant uniquement « les exploits de l’enfant », ce qui réservera ainsi aux seuls parents les plus éclairés la possibilité de se rendre compte d’éventuelles difficultés chez leur enfant et d’y remédier.

Le goût de la « refondation de l’école » à la sauce Hollandaise sera donc bien amer : du dogmatisme, de l’angélisme, de l’idéologie, du cynisme, du mépris, du mensonge, du clientélisme… Mais de l’égalité réelle nulle trace et une affiche infantilisante sur la liste des courses ne trompera personne sur cet état de fait.



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est enseignante et ex-directrice d'école.

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