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La corde au cou de l’UMP


La corde au cou de l’UMP

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Le légalisme a ses idiots utiles. Le moralisme aussi qui n’a rien à voir avec la morale authentique.

On croirait, à entendre certaines personnalités de l’UMP, que François Fillon, en tenant ses propos sur le sectarisme, confirmés par la suite, a mis en péril non seulement ce parti mais porté atteinte au pacte républicain, franchi une ligne rouge, détruit les digues et les barrages, insulté l’avenir, créé un séisme en se déshonorant par surcroît. L’UMP gagnée par la panique, titre Le Monde. La Syrie n’est rien à côté !

Que lui-même ait dit et rappelé son opposition totale au FN n’a rien changé à cette effervescence grotesque qui fait de plus en plus douter de la lucidité collective de l’UMP et explique mécaniquement l’accroissement du FN.

Je ne suis pas sûr que le bureau politique de l’UMP, malgré son inventivité, parvienne à restaurer le bon sens au sein de la majorité d’un aréopage plus épris de bons sentiments que d’idées pertinentes. De se faire plaisir que de vérité. Mais tout le monde est satisfait puisque tous ont signé, y compris Fillon, sur cette avancée bouleversante : l’UMP s’oppose au pouvoir socialiste et s’élève contre « tous les extrémismes et sectarismes ». Ouf! On craignait l’inverse.

Le FN n’est pas seulement favorisé par une politique du pouvoir qui, sur les plans fondamentaux qui mobilisent l’électorat de ce parti extrême, n’apporte aucune réponse ni la moindre solution fiable. Mais des frustrations de plus en plus exacerbées.

Il l’est paradoxalement aussi par l’UMP avec les beaux esprits qui parlent en son nom et qui pratiquement tous, dans un consensus qui serait émouvant s’il n’était pas suicidaire, sont venus apporter au Premier ministre Ayrault, avant même qu’il ait eu le front de les demander, les explications et les justifications tenant à la position de François Fillon.

Depuis quelques jours, encore plus qu’avant, Marine Le Pen, à cause de ces réactions absurdes, se trouve au centre obsédant de notre vie politique, qu’on adhère à tous ses rejets ou qu’on les dénonce.

Et c’est la gauche socialiste qui se permet d’être une sorte de juge de paix de la pureté éthique et démocratique des démarches partisanes, comme si elle était en surplomb et non pas en plein dans la mêlée et probablement désireuse d’en exploiter la confusion pour en définitive en bénéficier.

Mais n’est pas Mitterrand qui veut. François Hollande me donne l’impression de laisser venir les orages, notamment de sécurité et de justice, pour rendre la droite classique exsangue face à un FN férocement opposant et, à l’extérieur, d’y aspirer pour montrer de quoi il est capable. Le président ne met pas d’huile sur le feu, pour les délits et les crimes, mais il minimise le feu pour rassurer. Sans convaincre (Le Monde).

En dehors de François Baroin qui avec élégance a soutenu François Fillon (LCI) et de Valérie Pécresse qui s’en est distanciée mais sans mélodrame, il n’est personne qui à l’UMP se soit questionné sur la formidable ouverture que François Fillon, d’un coup, leur avait permise.

Pour les réactions médiatiques, à vrai dire, elles n’ont pas été de meilleur niveau à l’exception d’un article lumineux de François Bazin et d’une analyse infiniment réaliste de Guillaume Tabard (Le Figaro).

L’UMP au fond est confrontée à l’alternative suivante : dépérir en jouant une comédie vertueuse par rapport au FN (il faut vite le dire, s’agissant du parti de Jean-François Copé, notamment lors du quinquennat précédent et ensuite !) ou se rendre libre dans le choix de ses tactiques et de sa stratégie.

On raisonne trop souvent comme si l’UMP avait devant elle, malgré le FN de plus en plus lourd et dont l’ensemble des solutions ne se résument pas à « la haine », n’en déplaise à Vincent Peillon, un immense espace politique dans lequel elle pourrait s’ébattre à loisir. C’est le contraire. Quand Renaud Dély évoque le désastre que serait pour l’UMP la ligne Fillon, il oublie de souligner qu’aujourd’hui, le déclin, la chute sont déjà là parce que le FN engrange quand elle perd et que la gauche lui met de l’éthique de bazar dans les roues.

François Fillon, avec du courage, n’a certes pas brisé de tabous ni violé des fondamentaux. Pas d’alliance nationale avec le FN. Les programmes sont clairement incompatibles. Il n’avait pas la prétention ni le désir de bouleverser l’UMP ou l’UDI auxquelles il en faut si peu pour faire d’une aubaine une catastrophe.

François Fillon a voulu simplement desserrer le licou qui étrangle l’UMP. Donner du jeu. Elargir les virtualités. Rendre médiatiquement moins contraignant le lien imposé par l’adversaire. Non pas faire voter FN évidemment mais refuser le diktat de l’ostracisme obligatoire. Soulever la chape de plomb. Constituer le FN comme une banalité partisane qui le privera de son aura sulfureuse s’il en a, de son influence d’autant plus impressionnante qu’elle est à la fois constatée et répudiée sur tout et pour tout et combattre cette étrange anomalie d’une extrême gauche démocratiquement honorée et d’une extrême droite systématiquement honnie. A proportion des adhésions qu’elle suscite.

Que demain la gauche de gouvernement s’allie avec le Front de gauche si Jean-Luc Mélenchon l’accepte, il n’y aurait aucun problème et la droite n’aurait qu’à constater cette solidarité. Pour ma part, il n’y avait que le communisme français stalinien et internationaliste qui m’inquiétait même si le génie trouble de Mitterrand a su le réduire en définitive.

François Fillon tire les conclusions de cet équilibre et on pourrait interpréter son constat aussi comme la reconnaissance, dans notre espace républicain, de la validité des extrêmes dès lors qu’ils sont autorisés et respectent les règles de l’Etat républicain.

La gauche a passé depuis trop longtemps la corde au cou de l’UMP.

Les Juppé, Copé, Chatel, Wauquiez, Le Maire, Bertrand, Raffarin et autres Borloo sont bien sages, bien polis. S’ils ont compris la leçon pour le FN : on lâche un peu du lest et le licou fait moins mal. S’ils renâclent sur ce plan et osent s’émanciper : la corde les tiendra terriblement serrés. On en est là aujourd’hui.

L’UMP n’a pas saisi l’occasion de liberté, au moins intellectuelle et civique, que François Fillon lui a présentée. Au lieu de le soupçonner du pire – ce qui est absurde car il n’a pas changé d’un iota -, elle aurait mieux fait de le féliciter même si le FN ne veut pas de l’UMP et qu’heureusement l’ancien Premier ministre pense aussi à ce qu’il espère être son destin présidentiel.

Les caciques vertueux de l’UMP auraient quitté leur prison et se seraient seulement donné le droit et l’avantage de trancher symboliquement le nœud gordien.

*Photo : UMP.



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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