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Juges partout, justice nulle part


J’apprécie souvent, mais pas toujours, les coups de gueule de Sarkozy tout en regrettant qu’il ne joigne pas davantage le geste à la parole. Je ne comprends pas la mobilisation présidentielle pour Florence Cassez. D’abord, je la crois coupable mais, quand bien même serait-elle innocente, elle n’est pas infirmière bulgare et le Mexique n’est pas la Libye. Bien sûr, soixante ans de taule, c’est cher, et on peut souhaiter, par simple humanité, qu’elle bénéficie des mêmes ristournes que les condamnés incarcérés dans nos prisons, mais quand les Mexicains tiennent un criminel ou quelqu’un qu’ils ont jugé comme tel, s’ils choisissent d’accorder à la société soixante ans de répit et si c’est leur droit, c’est leur droit. Ils ont peut-être aussi voulu envoyer un message à toutes les gourdes qui en pincent pour les bandits : « Si vous voulez fricoter avec la racaille, restez donc au pays des droits de l’homme criminel et de sa femme complice, ça coûte moins cher. »[access capability= »lire_inedits »]

Si, sur ce coup-là, Sarkozy m’a déçu, sur le coup de pied dans la fourmilière judiciaire, j’applaudis. Comme toujours, il ne va pas assez loin et j’aurais été comblé par le spectacle d’un juge laxiste cloué à la porte d’une grange, histoire de dissuader les mauvais esprits de continuer à se moquer du monde, mais je sais me contenter de plaisirs simples et la simple grogne de ces fonctionnaires-là en est un. Si le chef de l’État s’interdisait de demander des comptes, au nom du peuple français, à la corporation censée rendre la justice au nom du même peuple, parce qu’elle est des plus susceptibles, il faillirait à sa tache et nous verrions une magistrature à l’abri de la critique, aussi sourde aux doléances et satisfaite du sentiment de son indépendance que les criminels le sont du sentiment de leur impunité.

La réponse imparable à toute critique : le manque de moyens !

Qu’un juge puisse travailler à l’abri des pressions du pouvoir politique, c’est une garantie à laquelle nous tenons tous, mais si la justice est rendue « au nom du peuple français », le moins que l’on puisse dire est que le peuple n’y trouve pas son compte. Quand les cas de meurtres commis par des condamnés multirécidivistes se multiplient, quand des délinquants sont arrêtés cent fois et relâchés cent fois, il faut bien constater que, pour ceux-là, le crime est plus payant que le respect de la loi. Et si le crime paye, à qui la faute sinon à ceux qui fixent le tarif ?

La réponse à cette critique est invariable et tellement imparable qu’elle est devenue celle de tous les fonctionnaires à qui on a l’audace de demander des résultats : « C’est la faute au manque de moyens ! »
Ils ont sûrement raison, il suffirait de mettre un contrôleur sur les talons de tout criminel dès sa sortie de prison jusqu’à la fin de sa vie pour réduire le taux de récidive ou encore de verser une « allocation Iphone » à tous les voleurs pour faire baisser les chiffres de la délinquance, mais en attendant que la société et le contribuable acceptent de tels sacrifices, il faut faire avec les moyens du bord. Avec la sur-représentation des étrangers ou des Français d’origine étrangère dans nos prisons comme dans toutes celles d’Europe, on pourrait aussi fermer le robinet de l’immigration avant de s’attaquer au kärcher à la délinquance, mais c’est un autre débat.

Le droit du condamné prime sur le droit de l’honnête homme à la sécurité

Dans certains pays d’Afrique, l’État n’a pas les moyens de nourrir les gens en prison et ne s’interdit pas d’incarcérer les criminels pour autant. La bouffe, c’est le problème du prisonnier et on ne demande pas à des populations qui ont du mal à faire vivre leurs enfants de nourrir leurs voleurs, leurs violeurs et leurs assassins. Toutefois, il ne s’agit pas de suivre ce modèle, mais de retrouver un peu du bon sens qui l’anime.

Chez nous, c’est au criminel que le manque de moyens profite. Pas assez de psys et les malades sexuels sont lâchés dans la nature sans suivi ! Pas assez de juges ou de places dans les prisons, et les délinquants n’effectuent pas leurs peines ! Que ne les garde-t-on à l’ombre en attendant que des postes soient créés et des prisons construites ! On place l’impératif d’incarcérer dans des conditions décentes au-dessus de celui d’incarcérer et le droit du condamné prime sur le droit de l’honnête homme à la sécurité.

L’immense majorité des Français finance une lourde machine judiciaire et s’en félicite ou s’en accommode parce que, comparée à la loi du talion, la justice est un progrès. Encore faudrait-il empêcher les prêtres gauchistes de la religion des droits de l’homme à l’œuvre au sein du Syndicat de la magistrature de dévoyer cet humanisme.

Le législateur sarkozyste s’y emploie quand il tord le bras aux juges à coup de lois sur la rétention de sûreté, les peines planchers ou les jurys populaires pour les forcer à rendre la justice. Naturellement, ça les fait brailler. Moi, ça me rassure.[/access]

Mars 2011 · N°33

Article extrait du Magazine Causeur



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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