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Jour de colère, bêtise grégaire


Jour de colère, bêtise grégaire

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« La colère des imbéciles remplit le monde », écrivait Bernanos dans Les Grands Cimetières sous la Lune. Hier, la colère des imbéciles a retenti dans Paris.  On pourrait les traiter de fascistes, invoquer le 6 février 1934 et les heures les plus sombres, se boucher le nez devant tant de nauséabonderies. Pourtant, imbécile semble le mot le plus juste pour qualifier la manifestation grotesque  et inquiétante qui s’est tenue dimanche après-midi dans les rues de la capitale. « Je ne crois même pas aux relatif bienfait des coalitions d’ignorance et de parti pris », ajoutait l’écrivain catholique. L’ignorance, le parti pris et la bêtise s’étaient bien donné rendez-vous pour une grande « coagulation des colères » (selon la très poétique sémantique du collectif) qui aurait rassemblé 17 000 bilieux selon la police (160 000 selon les organisateurs).

Le défilé n’avait rien à voir avec les masses joyeuses et pacifiques soulevées par la Manif pour tous. Peu de chants, pas d’enfants, beaucoup de sifflements, de hurlements, et une ambiance franchement angoissante, le tout sous une pluie sinistre : il fallait vraiment être très énervé pour  marcher jusqu’au bout, de la Bastille aux Invalides.

La cacophonie était aussi idéologique. Des slogans royalistes suivant de près une Marseillaise tonitruante, des drapeaux bretons, corses, occitans, des bonnets rouges et des cols relevés. Parmi les slogans du cru, le révolutionnaire : « monarchie populaire, ni droite ni gauche », le très classique « juifs hors de France » et le plus atypique mais non moins discriminant « socialistes pédophiles », scandés par des groupes divers unis seulement par leur détestation viscérale du président français, rebaptisé « braguette ouverte » à la tribune à cause de ses frasques sexuelles.

Des Hommen enchaînés torse-poil sous la pluie côtoyant des ananas plantés au bout de pique, des entrepreneurs fâchés avec la fiscalité, des quenelliers altermondialistes suivis de catholiques intégristes : la grande Pride des mécontents avait des allures de carnaval postmoderne. Muray aurait adoré.

Confusionnisme idéologique, dictature de l’émotion, vulgarité des slogans, cette manifestation, loin d’être réactionnaire, n’était que le pur produit d’une société moderne déboussolée, sans clivages ni repères, sans projet idéologique alternatif cohérent (contrairement aux troupes de la Manif pour tous qui défendaient un projet de société).

Comme la convergence des luttes à l’extrême gauche unit militants LGBT et femmes voilées dans un même combat contre l’ennemi imaginaire fasciste, la « coagulation des colères », chez cette droite-là, rassemble des combats qui n’ont rien à voir contre un ennemi tout aussi fantasmé, le hollandisme.

À cet égard, les vociférations de Béatrice Bourges sont aussi stériles que les trémolos hesseliens, car la colère, comme l’indignation, la bile comme la bonne conscience  ne sont que les deux faces d’une même médaille, celle de la réduction de la politique au primitivisme de l’émotion.

*Photo : URMAN LIONEL/SIPA. 00674246_000027. 



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Journaliste au Figaro, elle participe au lancement de la revue Limite et intervient régulièrement comme chroniqueuse éditorialiste sur CNews.

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