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Entre 60 et 80 islamistes sortiront chaque année de prison en France

Terrorisme islamiste: j'espère avoir tort...


Entre 60 et 80 islamistes sortiront chaque année de prison en France
Eric Dupond-Moretti visite la prison de Bordeaux Gridignan, avril 2021 © THIBAUD MORITZ/POOL/SIPA

Au 1er octobre 2021, les prisons françaises comptabilisaient 454 détenus djihadistes (384 hommes et 70 femmes), auxquels on peut ajouter au moins 650 détenus de droit commun suspectés de radicalisation. Entre 60 et 80 libérations de détenus islamistes sont attendues par an [1]. L’ancien magistrat Philippe Bilger s’inquiète de la remise en liberté de ces individus particulièrement dangereux, structurés par une idéologie qui nous est hostile, d’autant plus que le suivi socio-judiciaire des détenus est incertain.


Près de 80 terroristes islamiques sont proches de la fin de leur peine. Les profils sont différents, les uns ayant déjà connu un long parcours de djihadiste et d’autres, impliqués par suivisme. Ils ont été condamnés en correctionnelle à des peines relativement courtes. Depuis 2016, ceux ayant rejoint la zone irako-syrienne à partir du mois de janvier 2015 sont poursuivis sur le mode criminel. Le parquet antiterroriste relève qu’aucun des islamistes de retour de Syrie, sortis de prison entre 2020 et 2022, « n’avait fait l’objet de poursuite pour son implication dans un nouveau projet d’association de malfaiteurs terroriste ou d’attentat terroriste ». Ce constat devrait rassurer, comme la sophistication et la densité des mesures de suivi et de surveillance mises en œuvre par les autorités judiciaire et administrative. Avec de surcroît un renseignement pénitentiaire qui n’a cessé de monter en puissance selon Laurent Nuñez, préfet coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme.

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Un processus de déradicalisation se déroule à Paris, Lille, Lyon et Marseille. Le responsable national du dispositif est optimiste et note que depuis la fin de l’année 2018, aucune des personnes prises en charge n’a récidivé. Faut-il considérer alors que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes post-terrorisme islamiste ? Il ne s’agit pas, au nom d’une politique du pire, de s’émouvoir du futur et de l’estimer forcément empli des transgressions qu’on avait cru éradiquer. Mais je ne peux m’empêcher de craindre que l’islamisme n’ait rien à voir avec la criminalité ordinaire. Là où celle-ci peut laisser espérer un retour à la normalité, les islamistes n’ont qu’une envie, profiter de notre État de droit classique mais garder le désir de renouveler leurs agissements.

Le terrorisme islamiste, compte tenu de ce qui l’inspire et de sa haine absolue qui conduit jusqu’aux massacres indiscriminés, est-il une entreprise dont la vocation mortifère peut être gommée ?

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J’ai du mal à le croire quand je constate l’attitude de ces accusés à l’audience. Pas l’ombre d’une contrition mais l’arrogance d’avoir eu le comportement correspondant à la vraie lecture de l’islam selon eux, exigeant l’élimination des mécréants. Le réseau du suivi et de la surveillance, aussi serré qu’il soit, si je prends l’exemple du contrôle qui est imposé aux accusés ordinaires libérés – notamment en matière sexuelle, une pulsion irrésistible d’une autre sorte -, ne garantira pas la tranquillité car combien de fois a-t-on pu déplorer que dans les marges, les interstices, les parenthèses, le crime a été renouvelé par le sortant livré à lui-même… Si le terrorisme islamiste est un feu qui ne s’éteint pas, on aura beau prétendre l’étouffer, il demeurera.

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Cela ne signifie pas que tout est vain de ce qui a été mis en place et paraît n’être, pour l’instant, responsable d’aucune négligence ou dysfonctionnement, seulement que l’illusion n’est pas permise et que notre France, notre société doivent rester, jour et nuit, sur leurs gardes. Le danger est partout, même chez ceux ayant déjà été condamnés. Le repos est interdit à notre démocratie.


[1] « Aujourd’hui, nous avons plus de terroristes islamistes qui sortent de prison que de terroristes qui y entrent (…) Et cela continuera à s’accélérer à mesure qu’expirent les premières condamnations pour terrorisme et pour retour de zone irako-syrienne. Nous comptons actuellement 60 à 80 sorties par an », Laurent Ridel, le Directeur de l’Administration pénitentiaire, devant les députés le 16 mars 2022. Source: Le Figaro




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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