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Il faut donner du crédit à la France !


Il faut donner du crédit à la France !

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Elisabeth, vénérée tôlière de cette confrérie de causeurs mal léchés, avait parfaitement résumé le cours des choses, le 22 juin 2009 à 19 h 51, en nous livrant cette confession gouailleuse : Ce Sarkozy-là j’ai envie d’y croire.

Aux vierges effarouchées qui s’inquiétaient déjà – sur les bancs socialistes notamment – du poids que constituerait le grand emprunt sur nos finances publiques, Elisabeth prodiguait un conseil abrupt mais éclairé : « S’ils ne comprennent pas que recourir à l’emprunt pour boucler ses fins de mois ou pour construire des infrastructures ne sont pas la même chose, qu’ils retournent à l’école. »

Je voudrais préciser cependant à la chère Elisabeth ainsi qu’à vous-même, qu’il faut être vigilant quant au choix de l’enseignant et éviter par exemple de confier son cerveau au regrettable Yves de Kerdrel, qui a cru devoir commettre une laborieuse et fielleuse chronique entièrement à charge contre Henri Guaino et à la dévotion du sage et orthodoxe François Fillon.

La ficelle est grossièrement manichéenne et ce Kerdrel – fayot de la bonne pensée – est trop inconsistant intellectuellement pour être une cible. Cela étant dit, si un organisateur d’évènementiel avait la bonne idée d’organiser, sous les auspices de Laguiole, une fête intitulée « la nuit des seconds couteaux », ce clone triste de Jacques Marseille pour nouvelles écoles de commerce discount récolterait assurément la palme d’or.

Oublions Kerdrel, mais méfiez-vous de cette clique de bras cassés hypnotisés par les préceptes douteux de la pseudo-science économique ; à travers la personne d’Henri Guaino, c’est vous que vise cette ligue des orthodoxes factieux conspirant au nom de la vertu budgétaire.

Enivrés par les senteurs opiacées de la nouvelle bluette intitulée Puisque la crise est finie, Oui-oui fait des économies, ils se font, en effet, les chantres d’une sortie de crise improbable qui leur permet d’entonner l’hymne vintage du retour aux fondamentaux, comprenons : les canons d’une conception de la vie économique, politique et sociale qui nous a fait frôler l’apocalypse.

Les grands toxicomanes de l’idéologie se ressemblent tous, quel que soit le vice auquel ils sacrifient et, même si c’est un produit de substitution qui nous est proposé, il faut refuser cette abolition du discernement prônée avec force coups de mentons par ces héros harassés de « la seule politique possible ». Oui, ces ânes bâtés veulent vous entraîner dans le déni du réel, occultant une crise qui plonge ses racines dans la libre circulation des capitaux, un libre-échangisme effréné, l’avènement d’un capitalisme actionnarial carnassier et de cette financiarisation qui n’en a pas fini- de cracher ses glaviots toxiques à la face du monde.

Que les socialistes qui ont contribué à dicter au capitalisme cet itinéraire erratique en appellent stupidement à une relance par la consommation à l’échelle européenne tout en torpillant le super-emprunt au nom de la discipline budgétaire européenne, rien que de plus naturel. Mais que la majorité se laisse entraîner dans cette spirale faussement vertueuse est beaucoup plus dangereux pour l’avenir du pays.

C’est donc une bonne raison d’en appeler au tôlier.

Le discours que vous avez prononcé en effet devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles le 22 juin 2009 mériterait d’être relu attentivement, notamment par cette meute pathétique unie par les liens du déni qui prétend dissoudre dans un océan d’orthodoxie budgétaire retrouvée la stratégie du Grand emprunt telle que vous l’avez énoncée.

Le Sarkozy de la crise avait du cran et du corps. Et la crise n’étant pas terminée, je vous conjure de ne pas couper le Sarko 2010 avec l’eau bénite de cet ordre trop influent, notamment auprès de vous.

Monsieur le Président, ne vous laissez pas enfumer par ce chœur asséché qui, de Benoit Hamon, Michel Sapin, Didier Migaud en passant par Alain Juppé, Michel Rocard et Eric Woerth, voire François Fillon, distille une mélodie tiédasse destinée à raviver la psychose de la faillite, de l’endettement, du fardeau pour les générations futures.

Tout ce que ce gang des premiers de la classe peut vous apporter c’est un passeport pour les emmerdements, ils sont capables de vous faire perdre l’élection présidentielle face à une chèvre ou un rottweiler.

À titre personnel, je me suis senti bien plus en phase avec votre magistère de crise, énergique, décisionniste, iconoclaste, qu’avec la première séquence de votre mandat, qui pouvait faire redouter une forme d’allégeance aux canons du capitalisme anglo-saxon matinée d’une certaine dévotion pour les tables de la loi de l’orthodoxie budgétaire européenne. Je dois vous le confesser, j’ai voté non au référendum sur le TCE, j’ajoute qu’en ma qualité de Français moisi, j’ai beaucoup d’amis qui en ont fait de même, souvent les mêmes d’ailleurs qui ont voté pour vous en grand nombre. Comme quoi le Français moisi n’est ni mauvais bougre, ni rancunier.

Face à la crise, je vous ai découvert tellement moins engoncé dans l’idéalisme européen et le fétichisme des traités que les hiérarques socialistes. J’ai été agréablement surpris lorsque vous avez réaffirmé l’idée d’une intervention légitime de l’Etat et la pérennité d’un modèle social qui lui est consubstantiellement lié, marquant ainsi sans tapage une distance avec l’aile disons la plus libérale de votre majorité.

Alors, je vous en supplie, ne vous laissez pas abuser par les visiteurs du soir, refusez leur potion qui entraîne ce sommeil de la raison qu’est le dogmatisme. Ne vous soumettez-pas à leur verbiage obscur, à leurs postulats déguisés en vérités axiomatiques.

La France n’est pas ruinée.

Elle est moins endettée que ses partenaires, avec une dette qui représente 81,5 % du PIB (prévision 2010) alors que la moyenne pondérée de la zone euro est 83,6 %.

Surtout, contrairement à ce que disent les marchands de sornettes, la seule réalité qui compte est l’endettement global des agents économiques et non la simple dette publique ! Or, si l’on ajoute la dette des ménages et celle des entreprises, la France était en 2006 la moins endettée de tous les grands pays d’Europe, ceci s’expliquant par la relative faiblesse de l’endettement des ménages, les deux champions étant en Europe, l’Espagne et la Grande-Bretagne, et le champion toutes catégories les Etats Unis d’Amérique, avec une dette globale qui se monte à 240 % du PIB. Mais laissons parler Patrick Artus qu’on ne peut soupçonner d »extrémisme échevelé ou de souverainisme scrogneugneu : « Si les déficits public et l’endettement public financent des investissements à long terme utiles (recherche, infrastructures, éducation, PME innovantes, croissance verte…), la qualité de l’endettement public est supérieure à l’endettement privé. »

Ne cédez rien, monsieur le Président. S’attaquer à la dérive budgétaire alors que nous ne sommes pas sortis de la crise est irresponsable, c’est la déflation qu’il faut craindre pas le déficit public.

Oui, Monsieur le Président, il faut injecter de l’argent dans l’économie alors que les effets de la crise de liquidité ne sont pas surmontés et que les prévisions économiques de la zone euro sont plutôt celle d’une atonie chronique que d’une reprise galopante.

Le nombre des faillites de PME est en augmentation, les plans sociaux  vont se multiplier, il faut donc soutenir sans mégoter, tant sur le principe que sur le montant, votre Grand emprunt. La tribune de 63 députés en ce sens est la seule forme de soutien intellectuellement loyale et politiquement utile à votre égard.

Seul l’Etat peut investir en pareil moment et tant pis s’il faut pour cela froisser quelques susceptibilités : quand les dogmatismes ont failli, l’heure est à une hérésie raisonnable et décomplexée.

Oui, il faut comme vous aimez à le dire mettre le paquet, organiser le débat sur les priorités stratégiques et donner à ce programme d’investissement public une visibilité démocratique qui annonce et justifie un second mandat.

La France est capable d’entendre ce discours, à condition que la tribu des malfaisants cesse d’organiser sa danse du scalp autour de Henri Guaino. La politique de la France ne se fait pas sur un dance floor, surtout quand c’est Michel Rocard qui conduit le bal.

La vraie menace pour notre pays ne réside pas dans la dette diabolisée mais dans la désindustrialisation induite par la concurrence mondiale et la financiarisation de l’économie.

J’ajoute qu’il est quand même exaspérant de constater qu’en matière de remboursement la BCE garantisse un taux de 1 % à ces chiens galeux de banquiers quand il est fixé à 3,51 % pour les Etats.

Du sang et des larmes pour les uns, des couilles en or pour les apprentis sorciers, voilà ce qui se dit sur n’importe quel zinc de l’Hexagone et l’apéro c’est quand même le moment où se forme l’opinion d’un peuple doté d’un solide bon sens non dénué d’espièglerie.

Vous allez rendre votre arbitrage. Avec des taux historiquement bas, il est parfaitement concevable d’obtenir un rendement des investissements supérieurs au coût de l’emprunt. En revanche, il convient de bien discerner les dépenses productives, d’investir dans les écosystèmes de croissance que sont les grandes métropoles, de songer à protéger l’économie nationale pour doter le fonds de réserve des retraites, de rechercher des participations visant à renforcer l’appareil productif présent sur le territoire et d’éviter les délocalisations. Bref, il s’agit de renouer avec une certaine idée du capitalisme d’Etat.

Vous pouvez rassembler la nation autour d’un tel programme. Cela marquerait un tournant dans le quinquennat. Tournez le dos aux pères la rigueur. Ne vous laissez pas voler votre énergie transformatrice par les inspecteurs des finances, la commission de Bruxelles et autres clubs d’anciens premiers ministres, compagnons de grisaille technocratique.

Donnez du crédit à la France.



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