Salut les copains!


Salut les copains!

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« C’est le temps de l’amour, le temps des copains et de l’aventure… ». Comme dans une chanson de Françoise Hardy, le dernier roman de François Bott démarre sur les chapeaux de roues, dans l’euphorie des fifties, les sens en alerte, l’amitié en guise d’étendard et finit dans les Aurès, l’entrée fracassante dans l’âge adulte et son lot de souvenirs amers. Nos années éperdues sonne le tocsin de l’innocence. `

Cette traversée des Trente Glorieuses est conduite à tombeau ouvert sous un crachin normand par un écrivain d’humeur vagabonde. Tigreville/Villerville n’est pas très loin de Deauville. Blondin a laissé sa mélancolie en héritage sur ces terres flaubertiennes. Le bocage a toujours nourri les rêves des adolescents nostalgiques. Le calvados et le casino ont façonné la prose de ces apprentis-littéraires. Ils étaient quatre comme les Trois Mousquetaires. Jules Delmas, le narrateur, Raphaël, le héros, Jean-Christophe, l’épicurien et Stéphane, le malchanceux. Des caractères alambiqués, en proie aux doutes et aux illusions, pétris de grands auteurs, fascinés par les héroïnes de papier et tentés par les amours ancillaires. Ces gamins des années 50, bourgeois et lettrés, deux mots qui allaient très bien ensemble, vivent une enfance en Cinérama et communient dans « la liturgie des stars ».

Entre les planches et l’hôtel Normandy, les brumes de la guerre se dissipent peu à peu. Avec Robic, ils apprennent la géographie en pédalant. Avec Piaf, ils pleurent de désespoir en l’apercevant un soir dans sa minuscule robe noire. Avec Camus et Sartre, ils repensent le monde. Avec Mendès, ils reconsidèrent les hommes politiques. Et puis, la régionale de l’étape, Sagan, leur donne des leçons de légèreté, de maintien aussi. Car, en ce temps-là, l’amour ne se criait pas sur tous les toits, il embuait le cœur laissant des traces indélébiles. « Françoise nous apportait la preuve que la littérature était un mélange de grammaire et de battements de cœur » écrit François Bott. Bonjour tristesse et Rita Hayworth, il y a pire comme éducation sentimentale. Ces amoureux des livres grandissent dans les cafés et les salles obscures. Ils montent à Paris faire des études, squattent le Mac-Mahon et dévalent le Boulevard Saint-Michel. La société de consommation déploie alors ses charmes mais l’Algérie plane sur tous les esprits. Le service militaire s’étire sur plus de trente mois. La Bande des Vapeurs, la brasserie de Trouville, a des nuits agitées.

Tous sursitaires, ils se gavent de films, de romans, de poésie, leur boulimie semble éloigner durant quelques heures le danger. Mais, il rôde. Jules Delmas ne résiste pas au charisme de Raphaël de Préville, la prestance d’un Maurice Ronet, la profondeur d’un Roger Vailland, un frère pour toujours. À la vie, à la mort. Quand Paris l’assaille, ce jeune aristocrate se réfugie parfois dans son manoir familial entre une reine-mère omnipotente et un père, gentleman-farmer absent. Il tente d’écrire un roman sur Tamara Toumanova, une danseuse des Ballets russes et va tomber dans l’entrechat de Clotilde, une lycéenne, « le plus beau sourire de la République ». Ces deux-là ne se quitteront plus. Les autres, à la fois jaloux et heureux, regardent ce couple défier l’Histoire. Raphaël a décidé de résilier son sursis. L’étudiant romantique enfile l’uniforme du petit lieutenant.

François Bott a particulièrement réussi l’échange de lettres entre Jules et Raphaël quand les mois s’enlisent et que la quille devient une chimère. Si Raphaël ne reviendra pas, l’histoire se poursuivra au-delà des fumigènes de mai 68. Un très beau portrait d’une génération entre La fureur de vivre et Les choses de la vie.

Nos années éperdues de François Bott – Editions Le Cherche Midi.

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*Photo: Kévin Pourtout. wikicommons.



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Journaliste et écrivain. A paraître : "Et maintenant, voici venir un long hiver...", Éditions Héliopoles, 2022

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