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Fictions auto


Les écrivains ont toujours, pour le meilleur comme pour le pire, adoré les automobiles. À deux ans d’intervalle, Roger Nimier et Albert Camus se sont tués dans de chics et dangereux bolides. Une Aston-Martin pour Nimier à l’entrée de l’autoroute de l’Ouest et la Facel-Vega de Michel Gallimard pour Camus sur la Nationale 6, quelque part dans l’Yonne.

Dans Mythologies automobiles, Thomas Morales fait appel aux écrivains mais aussi aux cinéastes, acteurs et chanteurs pour revisiter les Trente Glorieuses à travers sa nostalgie cylindrée de petit garçon qui eut mal au cœur à l’arrière des CX (pour la génération précédente, ce furent les DS) : « Je crois que l’automobile est entrée dans une nouvelle ère, celle du transport et du collectivisme. Je préfère me rappeler celle des émotions et des utopies. Pour les hommes nés après la Deuxième Guerre mondiale, les voitures ont façonné leur destin, leur manière de penser et d’aimer. ». [access capability= »lire_inedits »]

On ne calculait pas le prix du plein, on voulait ressembler à Belmondo

Son petit essai, brillant, rappelle les Autographies de François Nourrissier ou le Rapide essai de théologie automobile de Gaspard-Marie Janvier. Notre société s’est mise à détester la voiture, devenue symbole de beaufitude et d’irresponsabilité écologique, péché capital par les temps qui courent. D’ailleurs, elles se ressemblent toutes, sorties des mêmes bureaux d’études où des ingénieurs calculent le coefficient maximal de pénétration dans l’air plutôt que d’imaginer le véhicule qui fera rêver ou qui incarnera le moment d’une identité nationale partagée dont cette chère 404, celle de Lino Ventura dans Les Tontons flingueurs, est un parfait symbole: « Gaulliste et communiste. Taxi parisien et police nationale. Saint-Tropez et Le Conquet. Gabin et Dewaere. Lautner et Godard. Morgon et Sidi Brahim. Chantal et Samira. Enfin, quoi, la France ! ».

Pour Morales, une voiture, dans le monde d’avant, c’était comme un vin naturel. Cela renvoyait à l’unicité d’un terroir. On savait ce qu’on faisait quand on choisissait une Cadillac. On était soit truand de haut vol, soit saltimbanque, soit les deux. On ne calculait pas le prix du plein, on voulait ressembler à Belmondo dans À bout de souffle mais on peut garder, comme Morales, une préférence pour la Ford Mustang de Steve McQueen dans Bullit, incarnation d’une certaine mélancolie virile et d’une élégance décidément insurpassable. Pour les Anglaises, la MG, la Triumph ou l’Austin Healey furent balayées par la désindustrialisation britannique alors que, comme le dit très joliment l’auteur sous le regard ému de Frank Alamo et de Richard Anthony : « Si le bonheur existe, les « petites anglaises » sont le plus court chemin pour y parvenir. » Quant aux Allemandes, la Mercedes et la BMW, elles ont symbolisé le triomphe d’un capitalisme rhénan heureux pour notables jusque dans les années 1970 et une reconversion dans la petite voiture qui a tué l’esprit de ces grandes marques.

On laissera au lecteur le soin de découvrir ce qui est dit des Italiennes ou des Japonaises car, l’air de rien, l’essai de Morales est aussi exhaustif qu’il est érudit, subversif et léger.[/access]

Mythologies automobiles

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Juillet-août 2011 . N°37 38

Article extrait du Magazine Causeur



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